La question se pose, lancinante, après ces révélations diffusées à la manière d’un gigantesque mégaphone. Des médias triés sur le volet aux quatre coins du monde distillent de concert une information qui leur a été fournie par une gorge profonde dont on ignore absolument tout des motivations et des objectifs. Si ce n’est que ceux-ci semblent d’abord orientés vers les « méchants » Poutine et Le Pen. Les avocats genevois, ce n’est pas un scoop, en prennent pour leur grade. Mais il n’y a pas le nom d’un Américain sur la liste. En l’état le seul politicien à avoir tiré les conséquences du scandale est le chef de gouvernement d’un petit pays qui a confié sa défense aux forces armées des Etats-Unis. En Islande, le premier ministre a démissionné sous la pression de la rue.
La méthode intrigue d’autant plus que la tendance est plutôt au bâillonnement de la presse. Il n’est que de regarder vers Bruxelles où se rissole un projet de directive sur le secret des affaires. En substance: quiconque manifestera trop de curiosité et surtout d’empathie communicatrice pourra être puni! Journalistes, organisations de consommateurs et de salariés sont sur le qui-vive. Leur liberté d’enquêter sans entraves, acheter avec discernement et de changer d’emploi est en jeu. Parce que des multinationales cherchent à consolider leurs positions dominantes.
Si la loi européenne passe la rampe, la Suisse devra sans doute durcir sa propre pratique, déjà relativement sévère en la matière. En témoigne la plainte pour concurrence déloyale qu’une grande banque suisse a déposée contre l’animateur d’un journal en ligne zurichois spécialisé dans la divulgation de cas de malgouvernance financière. L’affaire constitue-t-elle un pur acte d’intimidation en vue d’empêcher d’autres révélations embarrassantes? Un jugement sanctionnant le journaliste ne résoudrait en aucune manière les problèmes intrinsèques de l’institut bancaire concerné, dont le cours de l’action s’est effondré depuis le début de l’année. On est dans un autre cas de figure qu’avec les Panama Papers.