Alors qu'approche l'élection présidentielle la plus improbable de toute l'Histoire des Etats-Unis, c'est l'affolement en Californie, l'un des Etats les plus démocrates, tandis que les derniers sondages se montrent nettement moins positifs pour Hillary Clinton depuis la dernière initiative très controversée du directeur du FBI.
"J'hallucine, jamais je n'aurais jamais imaginé ça, qu'il aille si loin!" La honte, j'ai honte de mon pays, de mes compatriotes. Mes amis européens sont effarés." "C'est incompréhensible. Plus de la moitié des Américains sont devenus fous." "C'est effrayant, maintenant j'ai vraiment peur." Peur, effroi, consternation ... impossible de passer une soirée avec des Californiens des environs de Los Angeles sans que s'égrènent ces mots qui expriment trop bien les sentiments de la plupart devant la tournure qu'ont pris les événements à quelques jours de l'élection.
Profond dégoût
Un dessin du New Yorker du 2 novembre l'illustre parfaitement, sa légende disant en substance que "plus personne n'en a rien à foutre des déclarations d'impôts non révélées, de cette histoire de peloter des femmes, ou de ses insinuations qu'il n'accepterait pas les résultats de l'élection – c'est de l'histoire ancienne, qui remonte à très, très loin, aussi loin qu'en octobre."
La nouvelle "affaire des emails" initiée par James B. Comey, le directeur du FBI, bombe lâchée à la dernière minute mais dont tous les gens censés comprennent bien qu'elle ne révélera rien de bien nouveau, semble avoir fait oublier tout le reste au sujet de l'homme dont les plus écœurés ne prononcent même pas le nom, ou sinon avec une expression de profond dégoût.
"Trump va créer des jobs"
"Nous on vit dans notre petite bulle, mais regardez ailleurs, c'est effrayant. Il faut voir la vérité en face", dit Cindy. La vérité, ce peut être un grand-père qui annonce comme une fleur qu'il va voter Trump, expliquant : "Je n'imagine pas qu'une femme pourrait devenir présidente des Etats-Unis." Ou un frère un peu beauf aux allures de cowboy venu des profondeurs du Far West qui lance qu'il va faire pareil car "Trump va créer des jobs", alors que lui-même et sa famille vivent plutôt bien.
Ou, pire, quand, dans un couple, l'un des deux se retourne lui aussi vers "l'ennemi", un revirement inimaginable pour l'autre. Dans son édition de dimanche dernier, le New York Times publiait en "une" un reportage sur ces couples aux opinions politiques totalement divergentes qui se déchirent." Combien de divorces cette élection aura-t-elle engendré ?, se demande Mark, un démocrate convaincu, commentant cet article. Le 3 novembre ce sont des vétérans qui, se disant "abandonnés", déclarent qu'ils vont aussi voter pour lui.
Le candidat "pseudo-républicain"
Il y a quelques jours, sous l'effet de la fameuse "pussy vidéo" comme l'appellent certains, Hillary Clinton avait bien remonté dans les sondages, l'espoir était revenu. "Et voilà qu'on retourne à la case départ", se plaint Mark. Il y a quelques mois, lui-même n'envisageait pas un seul instant voter pour elle, il était pro-Bernie Sanders à fond, comme tant de Californiens. Mais dès l'instant qu'il a compris le danger représenté par le candidat "pseudo-républicain", il a su qu'il n'avait plus le choix.
Alors que le countdown approche de sa fin, les jeux sont loin d'être faits. Certains sondages donnent la candidate démocrate gagnante à coup sûr, mais d'autres la placent au même niveau que son adversaire, voire légèrement au-dessous. "Jamais je n'ai passé autant de temps à éplucher les sondages", note Cindy. "Ce qui le plus énervant, c'est qu'ils n'arrêtent pas de faire le yoyo. Je n'arrive plus à dormir, dès que je me réveille je regarde les news en m'attendant au pire. Mes nerfs sont à bout !"
"Il me fait penser à Slobodan Milosevic"
Jamais elle-même et ses amis n'avaient, non plus, autant lu d'articles de presse et de commentaires, surfé sur la toile et les réseaux sociaux. "Les médias font un effort inutile", déplore Mark. "On sait bien que ceux qui vont voter pour lui ne les liront jamais." Et pourtant, ce n'est pas faute, pour les principaux médias, avec, en tête, The New Yorker, The New York Times, The Washington Post et The Los Angeles Times de se défoncer en arguments et démonstrations, après avoir ouvertement pris position pour la candidate démocrate. Ils ont même été suivis par des journaux populaires plutôt conservateurs comme USA Today ou le New York Daily News. Or, jamais dans l'histoire des Etats-Unis, les médias ont été autant méprisés par un candidat aux présidentielles, jusqu'à Fox News, l'allié de toujours de la droite pure et dure.
"Non seulement cette élection est unique, mais elle peut faire chavirer tout le pays dans un nouveau monde qui n'aura plus rien à voir avec la démocratie", disent les plus optimistes. Les autres voient déjà clairement se profiler la dictature et se projettent un film des conséquences les pires dans lequel le "monstre" pourrait entraîner le pays, et le monde entier. "Il me fait penser à Slobodan Milosevic", dit un immigré bosniaque. "En plus charismatique et convaincant."