Gros actionnaire de la banque zurichoise, l’émirat a créé la surprise au mois de février dernier en annonçant le retrait du conseil d’administration de son unique représentant, le cheikh Jassim Bin Hamad J.J. Al Thani. Ce dernier n’ayant pas été remplacé, les supputations vont bon train. Le Qatar compte-t-il se désengager purement et simplement du capital de Credit Suisse? Après la disgrâce que subit UBS du fait de la vente du gros du paquet que Singapour détenait dans son capital, un tel événement constituerait à n’en pas douter un signal de défiance à l’égard du monde financier helvétique.
Mais au fait combien d’actions détient le Qatar dans la banque helvétique? Entre 15 et 20% comme l’annonçait la presse en 2013? Ou bien 5%? Dans le premier cas de figure, le Qatar serait le principal actionnaire devant un conglomérat saoudien. Dans la deuxième hypothèse, celle qui est le plus souvent citée aujourd’hui, il occuperait le deuxième rang parmi les propriétaires de Credit Suisse. Mais resterait un acteur prédominant. D’où l’enjeu des spéculations autour de l’avenir de la banque. Conjectures fort relatives, au demeurant, car les analystes et les médias se montrent étonnamment peu curieux dans un dossier qui ne devrait pas laisser insensible le monde financier.
Le même syndrome de la pudeur étreint les observateurs d’UBS. Le concurrent helvétique de Credit Suisse est confronté à une situation analogue depuis la vente par le fonds d’Etat singapourien GIC de la grande majorité du paquet d’actions qu’il détenait dans la banque aux trois clés. La différence étant que Singapour a donné cette fois clairement les raisons de cet abandon: les milliards de moins-value subie du fait de la faiblesse du cours de l’action UBS.
En prenant une participation très importante au capital des deux ténors de la banque suisse après le krach de 2008, tant Singapour que le Qatar ne se doutaient pas qu’ils boiraient la tasse quelques années plus tard. La cité-Etat et l’émirat tenaient sûrement ces deux participations pour un investissement de père de famille, ils ont dû déchanter. Malgré les propos lénifiants des docteurs en communication, le passé n’en finit pas de rattraper la gouvernance des grandes banques.
A commencer par la crise des subprimes, les crédits hypothécaires pourris: plus de 5 milliards de dollars, tel est le montant dont le Credit Suisse devra s’acquitter pour régler son litige avec la justice des Etats-Unis. A quoi s’ajoutent près de 3 milliards, une amende payée à Washington pour aide à l’évasion fiscale de ressortissants américains. Si vous ne nous croyez pas, allez sur wikipedia qui vous confirmera ces chiffres.
Soit au total 8 (!) milliards en trois ans, quatre fois le coût du scandale de Chiasso dans lequel fut impliqué LE Crédit Suisse – du temps où son logo n’était pas uniformisé à l’anglaise et comprenait un accent aigu – à la fin des années 70. Faut-il rappeler que la banque ne dut d’avoir survécu au krach qu’à la « solidarité » des deux autres « majors » helvétiques, UBS et SBS, qui mirent la main au porte-monnaie. Aujourd’hui, la SBS n’existe plus, elle a été intégrée dans UBS, une collectionneuse d’affaires en tout genre. Aux Etats-Unis, en France, en Belgique, en Allemagne, en Italie, en Malaisie, à Porto Rico et aux Bahamas, UBS se débat dans des actions judiciaires. Résultat, le cours de l’action stagne entre 10 et 20 francs, sans parvenir à retrouver la barre des 50 francs qui fut la sienne avant les subprimes. Les gros investisseurs perdent patience, laissant la BNS et une poignée de députés feindre de croire au retour du bon vieux temps. Celui où les banques suisses faisaient la pluie et le beau temps.