La semaine dernière, votre serviteur, jugeant que la ministre des Finances s’était discréditée auprès de la place bancaire, demandait son départ. Or une poignée de lecteurs a pris la plume pour défendre la Grisonne, laquelle incarnerait plutôt «un réalisme politique après des décennies de soumission au secret bancaire». Face aux Etats-Unis, Mme Widmer-Schlumpf ne saurait donc être tenue pour responsable des actes de banquiers qui sont assez grands pour se défendre tout seuls.
Qu’il nous soit permis, au contraire, d’en rajouter une couche. L’Etat suisse est quand même, en partie du moins, responsable des actes des banquiers, dans la mesure où il a cautionné – officiellement, c’est toujours le cas – le secret bancaire, une pratique que les Suisses continuent de plébisciter.
Le problème est donc moins de savoir si la ministre défend bien ou mal les banquiers mais plutôt de se demander pourquoi la Suisse dénonce, au premier coup de canon, une clientèle à qui l’on avait promis l’anonymat en vertu de ce même secret bancaire.
Il faut savoir ce que l’on veut, d’autant que les grandes fortunes n’ont pas partout les mêmes inhibitions. D’Afrique ou du Moyen-Orient, elles continuent d’affluer vers les coffres helvétiques. Etait-il nécessaire de paniquer en livrant en pâture au père fouettard américain les noms de dizaines de gestionnaires de fortune qui sont autant de boucs émissaires?
Ce faisant, Berne ne fait rien d’autre que protéger le sommet de la hiérarchie bancaire, celle qui, à l’instar du PDG de Credit Suisse, se lave les mains de toute implication dans l’assistance à l’évasion fiscale, jetant l’opprobre sur ses propres employés. Une attitude lâche et cynique.
Chronique parue dans GHI du 5 mars 2014.