Il suffit de s'y aventurer quelques jours pour comprendre à quel point elle mérite amplement le détour.
"Gracias. Bienvenidos a Colombia". Ce n'est pas toujours, en passant le contrôle d'immigration dans un aéroport, que vous êtes accueillis de manière aussi chaleureuse. La jeune policière en uniforme qui vous rend vos passeports avec le sourire, après quelques questions courtes et faciles, en espagnol exclusivement, a l'air presque intimidée. Il faut dire que vous étiez pratiquement les seuls Occidentaux sur ce vol depuis Frankfort. Au mur, des affiches colorées, en anglais celles-là: "Colombia, the only risk is wanting to stay".
A la douane, quelques mètres plus bas, deux ou trois Golden Retriever nonchalants sont promenés en laisse. Soudain l'un d'entre eux, échappant à son maître, saute sur un tapis roulant à bagages, visiblement pour s'amuser. Le douaner monte le chercher, le caresse, puis le tient fermement en laisse pour descendre avec lui. Aucun des deux n'a prêté la moindre attention aux bagages, pas davantage que les douaniers auxquels il faut remettre une fiche censée avoir été remplie dans l'avion. Plusieurs passagers l'ont mal, ou pas du tout, complétée. On leur en donne une autre et on leur laisse le temps de s'acquitter de cette petite formalité à un endroit où on peut écrire.
"La Colombie est un pays dangereux…"
De l'autre côté d'une immense vitre séparant la zone des tapis à bagages de la sortie, comme à Genève autrefois, les familles et amis qui attendent les passagers s'exclament bruyamment de joie et agitent fougueusement mains et bras dès qu'ils reconnaissent ceux qu'ils attendaient, faisant partager leur joie à leur voisin dans un charmant brouhaha. Et on se livre à des effusions de part et d'autre de la vitre. Les policiers et douaniers laissent faire, dans une ambiance bon enfant. On croirait avoir atterri dans un petit aéroport de province du sud de l'Italie. Nous sommes à l'aéroport international de Bogotá.
Le souvenir est déjà loin de ce qu'on avait lu avant le départ sur les sites internet des ministères des Affaires étrangères, ou leur équivalent, de plusieurs pays: "La Colombie est un pays dangereux… Les étrangers constituent des cibles de choix" (France); "Politisch motivierte Entführungen und Entführungen mit Lösegeldforderungen kommen immer noch vor" (Suisse); "We strongly encourage you to exercise caution and remain vigilant as terrorist and criminal activities remain a threat throughout the country" (USA).
Ces appels à la peur ont des effets très étonnants sur les Colombiens. Tellement convaincus que les étrangers ne peuvent les voir que comme des terroristes ou des gangsters en bandes organisées, ils en rajoutent et ne cessent de vous mettre en garde. Surtout les taxis qui font de la sécurité, à prix fort, un argument de vente de leurs services par rapport à des concurrents forcément dangereux. Si aimables et serviables pourtant, ces chauffeurs des tout petits taxis jaunes hélés dans la rue. "Don't even think about hailing a taxi in the street", disaient les Américains… Mais en même temps tout le monde trouve normal que ceux qui pourraient être la cible d'attaques de criminels semblent ne pas s'en préoccuper.
Un chauffeur de taxi vous montre fièrement l'immeuble dans lequel vit la plus célèbre chanteuse colombienne, Shakira, dont les ventes de disques a dépassé les 80 millions. Un bel immeuble blanc planté au bord d'une des rues principales de Bogotá offert aux regards de tous et aux objectifs des paparazzi, et dépourvu de système de sécurité très sophistiqué.
Le revenu moyen est inférieur à 370 CHF par mois
La Colombie est tout ce que l'on imagine pas, vu de nos capitales occidentales. Un pays tout simplement magnifique, offrant une variété étonnante de paysages, entre la forêt amazonienne, les zones côtières qui s'étirent sur 1500 km de plage, et les immenses sommets de la Cordillère des Andes (le plus haut, le volcan Nevado Sajama, culmine à 6542 m), sur laquelle se sont établies les plus grandes villes, telles Bogota (2640 m) et Medellin (1538 m).
Dans ces deux villes, se mêlent en harmonie des quartiers très variés, des plus anciens - où, à Bogotá, se trouvent les somptueux musées Botero et de l'Or - au plus modernes, presque "bobos", jusqu'aux favelas recouvrant les collines environnantes, surtout visibles à Medellin. Au-delà des collines environnant ces métropoles, se rencontrent des villages pleins de couleurs et de charme, et des campagnes paisibles où, sur les routes un peu cabossées, on se déplace encore à cheval ou avec toutes sortes de véhicules plus ou moins retapés.
Partout, les gens vont facilement à votre encontre, ont envie de vous aider, de vous parler, de vous démontrer peut-être qu'ils ne sont pas si méchants que l'on ne le prétend. Des gens qui, au quotidien - un quotidien difficile quand on sait que le revenu moyen est inférieur à 370 CHF par mois - ne vivent pas de la cocaïne comme la réputation qui leur colle à la peau, mais du café et des fleurs, dont la plus célèbre, classée emblème national, est l'orchidée cattleya trianae, couramment appelée "iris de mai".
3 millions de touristes en 2012
Aujourd'hui, et c'est le phénomène le plus nouveau, conséquence directe de la pacification amorcée, la Colombie essaie de s'ouvrir au tourisme. Les fonctionnaires locaux sont fiers d'annoncer avoir reçu 3 millions de touristes en 2012. Certes, la plupart viennent des pays voisins, Pérou, Équateur, Panama, Venezuela surtout.
Mais le mouvement est amorcé et les jolies cités situées sur la côte caribéenne, comme le superbe port historique de Cartagena, attirent à la haute saison bon nombre de touristes américains et canadiens - presque un peu trop car, déjà, le tourisme vient gâcher le charme. Manque d'habitude sans doute, les habitants, surtout certains commerçants, restaurateurs ou vendeurs de rue, se montrent assez maladroits avec ces visiteurs étrangers, et ont tendance à les accaparer de manière un peu trop insistante. Ce qui se pardonne avec un sourire, pourvu qu'on sache leur dire quelques mots en espagnol.
"Le peuple le plus heureux"
Certes, tout est loin d'être parfait. Des années de violence et de narcotrafic ne sauraient s'effacer en quelques déclarations et affirmations, aussi sincères soient-elle. Mais il ne fait aucun doute que le gouvernement et la population ont en commun la ferme volonté de se débarrasser de l'image qui leur colle à la peau et de reléguer au passé ces années noires dont les médias internationaux ont trop parlé, pour entrer dans la cour des pays où il fait bon vivre. Déjà, ils affichent avec fierté les résultats du sondage publié à Zurich en décembre 2012 et mené sur 54 pays par WIN/Gallup International Association, selon lequel les Colombiens seraient le peuple le plus heureux, avec un score de 75 %, soit le double de la moyenne mondiale. Pour la Suisse ce taux est de 63 %, mais pour l'Allemagne, la France et les Etats-Unis, il est respectivement de 37, 36 et 34 %… N'y aurait-il pas une part d'utopie de la part des Colombiens ? Peut-être. Mais ce sondage montre au moins que l'espoir est bien présent.
"The only risk is wanting to stay"
Au moment de quitter le pays, après deux semaines inoubliables, vous emporterez avec vous quelques souvenirs de l'artisanat local, mais aussi ceux de belles rencontres. Au mur, les mêmes affiches, "Colombia, the only risk is wanting to stay", une nouvelle fois vous interpellent. Vous serez encore les seuls Occidentaux à accomplir les formalités de départ, aussi simples et faciles que celles de l'arrivée, sans chiens cette fois pour flairer les bagages. C'est seulement à l'entrée du pays, semble-t-il, qu'on procède à des contrôle de drogue, pas à la sortie. Doit-on y voir un autre signe de confiance en l'avenir ?