En septembre 2006, ils ont signé un protocole d’accord avec le gouvernement de la République du Congo, octroyant à ce dernier le permis de transférer d’Alger à Brazzaville les restes de l’explorateur franco-italien décédé en 1905. Mais leur feu vert était assorti de plusieurs conditions qui n’ont pas été respectées, affirment-ils. Les consorts ont engagé dès lors une procédure judiciaire à Paris, en vue de la restitution, par la République du Congo, des restes mortuaires de Pierre Savorgnan de Brazza.
La famille demandait d’abord que la sépulture prévue dans un mausolée de marbre blanc construit par l’Etat congolais au cœur de la capitale Brazzaville soit consacrée selon le rite catholique. Elle exigeait ensuite l’installation, près de la tombe, d’une statue du roi Makoko 1er, souverain de l’ethnie téké et allié de Savorgnan. L’accord prévoyait également le bétonnage de la piste menant de Brazzaville à Mbé, chef lieu téké, ainsi que l’entretien d’un dispensaire et d’une école de peinture portant le nom de l’explorateur.
«Il apparaît, de façon assez funeste, que la signature du protocole d’accord n’a pas eu d’autre objet que de permettre à Monsieur Denis Sassou Ngesso, en quelque sorte en instrumentalisant la mémoire de l’explorateur, d’effectuer une opération politique, à usage interne, tout en se montrant très dédaigneux et méprisant des souhaits des descendants de Monsieur Pierre Savorgnan de Brazza, et par conséquent, des obligations auxquelles il avait librement souscrit», souligne l’avocat des requérants, Me William Bourdon.
Par jugement rendu le 5 octobre 2011, le Tribunal de Grande Instance de Paris a débouté la famille de l’explorateur de l’ensemble de ses demandes. Mais les héritiers tiennent bon. Ils ont fait recours devant la Cour d’appel de Paris. Une nouvelle pièce à charge du gouvernement de la République du Congo a été consignée au tribunal le 12 février 2012: un film documentaire réalisé par Idanna Pucci, une descendante de Pierre Savorgnan de Brazza. Intitulé «Black Africa White Marble», référence au coûteux mausolée qui abrite les restes de l’explorateur, ce document retrace l’itinéraire de Brazza «dont la mémoire est pure de sang humain», selon l’épitaphe inscrite sur sa tombe d’Alger, désormais désaffectée. Il rappelle la fin mystérieuse de Brazza, au cours d’une mission au Congo.
La France avait chargé Brazza d’enquêter sur des exactions commises par certains administrateurs coloniaux. Connu pour avoir libéré des esclaves, l’explorateur aurait été écoeuré par ce qu’il avait vu. Il est mort sur le chemin du retour. Sa veuve n’a cessé d’affirmer qu’il avait été empoisonné. Les carnets dans lesquels il consignait ses observations ont été confisqués par les autorités françaises qui n’ont jamais voulu les rendre publics.