Elle a le temps pour elle, l’effigie de pierre que réclame aujourd’hui l’Italie. Les inspecteurs de Rome ont été très actifs durant la dernière décennie, remontant la piste des trafiquants d’antiquités qui utilisent Genève comme blanchisserie. Et coffre-fort, grâce au savoir-faire de son port-franc.
En Colombie, au Cambodge, en Turquie ou en Egypte, les susceptibilités nationales se réveillent aussi. Pointée du doigt par les instances du patrimoine, la Suisse s’est dotée en 2005 d’un bel instrument, la loi fédérale sur le transfert des biens culturels, par laquelle elle s’engage à protéger l’héritage culturel de l’humanité. Les contrôles douaniers accrus lui ont permis de se refaire une virginité aux yeux de l’Unesco, les médias la dépeignent comme un élève modèle.
Une enquête du magazine « Bilan » révèle pourtant que la Suisse joue aujourd’hui un rôle de plaque tournante dans le commerce des antiquités saccagées par Daech au Moyen-Orient. Sur un marché qui rapporte plusieurs milliards de dollars chaque année, l’armée islamique a trouvé le filon. La religion a bon dos: la destruction d’un vieux monument vaut autant que la mainmise sur un puits de pétrole, elle vise d’abord à financer la guerre.
La Confédération se déclare vigilante mais la partie ne s’annonce pas facile. A Genève, l’enseigne d’une boutique ayant pignon sur rue en Vieille-Ville revient avec la régularité d’un métronome dans les plaintes émanant de territoires soumis au pillage en règle de sites anciens. Cela ne l’empêche pas de parader dans les colonnes des suppléments culturels des journaux.