Condamnée par les fonctionnaires de la BNS, elle ne figure plus sur la coupure de 50 francs. Finalement peu me chaut que l’égérie dadaïste ne se dissimulera plus dans la poche arrière de mon pantalon. Son galure ne m’a jamais vraiment fasciné. Probablement regretterai-je davantage Ramuz et Giacometti quand ils connaîtront à leur tour le même sort, ce qui ne saurait tarder.
Exit les personnages historiques, la Suisse se met au diapason de l’uniformisation. Taille de guêpe, cheveux raides lui tombant dans les reins, une jeune graphiste zurichoise au visage impassible de Joconde a réduit des billets de banque à la représentation insignifiante d’un pays sans reliefs.
Petite anecdote révélatrice. L’autre jour pour payer mon café au bistrot, je n’avais plus de petite monnaie. J’ai tendu une coupure de 50 francs mais la jeune femme du restaurant me l’a rendue poliment. «Désolé, nous n’acceptons pas les euros!» Mais il ne s’agit pas d’euros, lui répondis-je, c’est le nouveau billet de 50 francs! La serveuse a-t-elle su un jour qui était Mme Taeuber-Arp?
Peu importe, le fait est que le papier-monnaie a perdu son odeur pour se fondre dans le moule du concept multi-nations. Mais plutôt qu’à l’euro mal en point, il aurait peut-être mieux valu que le franc s’identifie d’emblée au dollar vu que l’OTAN de l’économie est aux portes. Ce traité de libre-échange transatlantique que Barack Obama est venu en personne «vendre» aux dirigeants européens. Merkel l’a accueilli à bras ouverts. Parce que son effigie ne sera jamais monétisée, la chancelière allemande envie peut-être le destin d’Harriet Tubman, esclave noire américaine désormais immortalisée sur un billet de vingt dollars.