Rien d’autre qu’un banal publireportage, en somme. Ce que l’on nomme en français la publicité native est pourtant la nouvelle tendance définie comme un modèle destiné à maintenir en vie les médias. De fait elle risque plutôt de les tuer.
En véritables contorsionnistes, des responsables de journaux tentent d’expliquer pourquoi la publicité native n’empiète pas sur l’obligation morale faite aux journalistes de ne pas mélanger la publicité et le rédactionnel. « C’est la zone la plus colorée entre le journalisme et la publicité, pas la plus grise; c’est du journalisme mais il est payé », alambique le rédacteur en chef du journal en ligne alémanique Watson dans la dernière édition du magazine « Edito ».
Les médias subissent dramatiquement le contre-coup de la chute de leur modèle économique basé sur la publicité. Mais est-ce une raison suffisante pour sacrifier la crédibilité de l’information sur l’autel de la rentabilité? Comment négocier au souk ce qui paraîtra le lendemain dans les journaux? Etant entendu que ces glauques concessions n’empêcheront pas les grands groupes de presse de presser le citron jusqu’à la dernière goutte. En témoigne la nouvelle vague de restructurations annoncée par Tamedia. Le groupe zurichois qui contrôle une chaîne de journaux du Bodan au Léman n’a pas de meilleure idée que d’unifier des rubriques et regrouper ses rédactions. Pas de licenciement pour l’instant mais la perspective de sanglantes coupes dans les effectifs quand les calculettes débusqueront les doublons.
Tamedia entend économiser pour compenser la baisse des revenus publicitaires. Mais Tamedia a tout faux. D’abord parce que le groupe n’est pas sur la paille et de loin: sa marge atteint tout de même deux chiffres grâce au commerce en ligne de services et autres « bibelots » jadis inclus dans les recettes médias. Ensuite parce que sa stratégie pèche par manque de vision. Pour sauver ses titres de la ruine Tamedia devrait au contraire investir davantage dans le contenu. Ouvrir de nouveaux postes de correspondants à l’étranger au lieu de les réduire. Offrir des articles originaux et bien documentés. En deux mots imiter le « New York Times », un titre qui capitalise aujourd’hui sur près de 3 millions d’abonnés dont la moitié en ligne. Et récupère, en raison de ce terreau fertile de lecteurs, une partie de la publicité perdue grâce à une stratégie qui répond à un seul mot, la qualité.
Ligoté dans sa politique à la petite semaine, Tamedia ne semble pas parti pour prendre le chemin du « New York Times ». Suivre ce dernier modèle reviendrait pour l’éditeur zurichois à entamer un virage à 180 degrés et Tamedia n’en a ni le courage ni surtout l’envie. Parce que la réussite du métier d’éditeur présuppose une mission de diffuseur d’information au profit de la collectivité. Vocation que ce groupe voué à contenter ses actionnaires par de hautes performances boursières a perdue depuis longtemps.