Dietrich Garstka, ce nom ne vous dit pas grand chose, et pour cause. Cet ancien enseignant dans la Ruhr a écrit un livre qui a inspiré son troisième film au réalisateur Lars Kraume. Projeté actuellement dans les salles helvétiques, «Das schweigende Klassenzimmer» est toutefois ignoré par la presse romande alors qu’il raconte une très belle histoire. Celle d’une classe de bacheliers pas comme les autres dans une école de Berlin-Est au coeur de la guerre froide.
Octobre 1956. A Budapest le peuple se soulève. Les chars soviétiques tirent, tuent mais se retirent dans un premier temps devant la détermination des insurgés. La nouvelle exalte les écoliers qui écoutent les nouvelles en catimini sur les ondes d’une radio occidentale et espèrent la victoire des Hongrois sur les Russes. Une fausse rumeur (déjà!) fait état de la mort de Puskas pendant les combats. En signe de protestation et pour rendre hommage à cette figure mythique du football, la classe décide d’observer deux minutes de silence, d’où le titre français du film, «La Révolution silencieuse». Les élèves paieront cher ce geste de défi dans un pays soumis à l’occupation russe.
Nous ne dévoilerons pas la suite de ce long métrage poignant qui rassemble amitié, solidarité et courage, trois vertus dont on aimerait qu’elles inspirent les jeunes générations actuelles. Dietrich Garstka n’a rien inventé dans son livre. Il était assis sur les mêmes bancs que les protagonistes rebelles et connut un destin identique à la plupart d’entre eux. Il est mort en avril dernier à l’âge de 80 ans, non sans avoir eu le bonheur de participer au lancement du film, deux mois plus tôt à Berlin.
Dans une interview accordée à un média allemand, Lars Kraume a dévoilé la genèse de sa démarche. Il a tourné «La Révolution silencieuse» pour tirer de l’oubli une époque négligée par l’Occident. Parce que 1956 balance entre deux événements butoirs, la fin de la guerre et l’érection du mur de Berlin en 1961. Message reçu? Plus de soixante ans après, le canaux de l’information font l’impasse sur la Realpolitik qui légitima la chape de plomb sur l’Europe orientale. Le malaise et la gêne semblent toujours de mise, comme si la guerre froide voulait retrouver ses droits.