L’histoire a des retournements étonnants: ne sont-ce pas des citoyens français qui, fuyant les ratonnades fiscales dans les années trente, ont incité la Suisse à inventer le secret bancaire?
Aujourd’hui le secret bancaire n’est plus. Ou plutôt si, il continue d’exister, mais dans une perspective géographique modifiée, non européenne. Sinon comment expliquer l’afflux récent d’argent frais dont font état les banquiers.
Tourner la page, c'est aussi retourner sa veste
Faut-il affirmer pour autant que l’on tourne simplement la page, comme le titrait tranquillement un quotidien lémanique la semaine dernière, au lendemain d’une conférence de presse de la plateforme Genève Place Financière? On peut penser ce que l’on veut du secret bancaire, de la philosophie «antipatriotique» qui le sous-tend. Mais comment effacer d’un geste de la main un système qui a déterminé pendant 80 ans la culture économique d’un pays.
Comment ne pas se dire que tourner la page, c’est aussi et surtout retourner sa veste. Les grands banquiers affirment que sans accès au marché européen, ils devront délocaliser. On les comprend mais ils roulent pour eux. Qui compatit au sort d’employés pris au piège de l’opprobre fiscal, gestionnaires de fortune assignés quasiment à domicile, captifs dans leur propre pays?
Qui se soucie du client lambda auquel les banques suisses ne donnent pas d’autre alternative que la clôture de son compte vite fait bien fait et la fuite, la queue entre les jambes? Les récits de ressortissants français abondent, qui font état de fouilles serrées et humiliantes à la douane. Pendant ce temps, de gros poissons trouvent une terre hospitalière sur une île anglo-normande.