La légende raconte que Pei Shen Qian, tel est son nom, réalisait des portraits de Mao avant de fabriquer des faux.
Dans les années quatre-vingt, il quitte Shanghai et s’installe à Manhattan où son train de vie prend rapidement l’ascenseur. Rien d’étonnant à cela, ses modèles s’appellent Rothko, Pollock, Kline, de Kooning, des artistes éminemment cotés. Les galeristes n’y voient que du feu.
Mais en 2009 un acheteur découvre l’escroquerie et porte plainte. L’affaire gagne la Suisse: un expert et ancien conservateur de la Fondation Beyeler est accusé d’avoir authentifié au moins un faux Rothko, vendu 300’000 dollars. Il y a quelques jours, il a été inculpé à New York, de même qu’une marchande d’art de Long Island, qui risque 99 ans de prison.
Pei Shen Qian, lui, ne connaîtra peut-être jamais l’ombre d’une cellule. Il s’est mis à l’abri en regagnant sa Chine natale, auréolé de sa réputation d’artiste génial, un destin qui le rapproche étrangement de celui du peintre faussaire d’origine hongroise Elmyr de Hory dont la particule est aussi authentique que la signature qu’il apposait sur les toiles de célébrités impressionnistes – il s’appelait en réalité Hoffmann.
Hory, qui se suicida en 1976, prétendait que son trait était plus sûr que celui de Matisse. Et il avait probablement raison. Dans Vérités et Mensonges, l’un de ses derniers longs-métrages, où il filme Hory dans son antre d’Ibiza, Orson Welles démonte la mécanique de l’art, mettant à nu ses faux-semblants.
A l’époque, le négociant complice s’appelait Fernand Legros, il tournoyait la nuit autour du Griffin’s à Genève dans une Rolls remplie d’éphèbes. Les galeries lui déroulaient le tapis rouge. Les banquiers aussi. Fascination de l’illusion.