Qui, de Mariano Rajoy ou de Carles Puigdemont, est le chat? Qui est la souris? Sur le papier, le doute n’existe pas. Le chef du gouvernement espagnol dispose de l’autorité nécessaire pour mater le rebelle. Dans la réalité on dirait que c’est plutôt le leader catalan qui se joue de son ennemi.
Bien sûr, Carles Puigdemont est un homme en fuite. Sa situation n’a rien d’enviable. A l’heure où ces lignes sont écrites, on ignore s’il sera extradé après son arrestation en Allemagne, le 25 mars dernier. Un retour forcé en Espagne le placerait à la merci de la justice de Madrid. Un long séjour en prison lui est promis. Toutefois quel que soit son sort, ce symbole de l’indépendantisme catalan est en train de gagner la bataille médiatique.
Si, pour l’heure, la plupart des journaux « mainstream » relaient la ligne officielle madrilène, adoubée par Bruxelles et les grandes capitales européennes, montrant peu de compréhension pour les aspirations d’une grande partie de la population de Catalogne, d’autres titres changent d’attitude. La couverture professionnelle des événements l’emporte sur les à priori politiques et idéologiques. Révélateur est l’article de la correspondante de plusieurs journaux francophones, relatant l’importante manifestation qui a suivi la nouvelle de l’arrestation de Puigdemont dans les rues de Barcelone. On y lit que les forces de l’ordre ont tiré en l’air pour calmer la foule. Le dérapage sanglant n’est plus très loin. Ce genre de description est surtout de nature à renverser l’opinion. Comment critiquer une population désarmée qui clame son indignation face à la répression orchestrée par un pouvoir central contesté?
Ancien journaliste, M. Puigdemont a probablement compris avant M. Rajoy que la guerre se gagne aujourd’hui d’abord sur le front de l’information. Multipliant les apparitions et les conférences de presse au cours des dernières semaines, celui qui se définit comme le président de la Catalogne indépendante a façonné l’image d’un personnage ouvert au dialogue, fort des ses convictions, qui plus est, doté d’un idéal pacifique. En face de lui, le Premier ministre espagnol, crispé sur ses certitudes, a beaucoup de peine à se défaire de son masque de dirigeant autoritaire.