Le Conseil suisse de la presse leur donnait raison sur toute la ligne dans un avis appelé à faire jurisprudence. Près de quinze ans plus tard, la situation ne s’est, hélas, pas vraiment améliorée.
Bible des professionnels des médias, la Déclaration des devoirs et droits du journaliste prohibe toute « consigne, directe ou indirecte, des annonceurs publicitaires ». Cette règle a subi bien des entorses au fil des décennies mais jamais encore la dérive n’avait été aussi évidente qu’au milieu des années 2000, avec l’apparition des titres gratuits. De la publicité grossière non déclarée comme telle s’étalait jusqu’à la une des journaux.
Dans un premier temps, le sermon de l’instrument d’autorégulation des médias a eu un certain effet. Les annonces dissimulées ont paru moins fréquentes. Prise de conscience réelle ou trompe-l’œil? A lire le dernier arrêt du Conseil suisse de la presse, il faut pencher pour la deuxième hypothèse, malheureusement. Les champions de l’embobinage sévissent toujours, il ont simplement adapté le camouflage. L’instance pointe même un coupable: le plus grand groupe de presse écrite helvétique! « A côté d’articles rédactionnels consacrés à l’initiative pour des multinationales responsables, les médias en ligne de Tamedia ont publié pendant des mois des publicités contre ladite initiative. Pour le public, il n’était pas toujours possible de voir qu’il s’agissait de publicité. Le lecteur lambda ne pouvait distinguer facilement les publicités en tant que telles parce que la police de caractère utilisée ressemblait fort à celle des textes rédactionnels. De plus, les termes “Notre dossier” et “Fact checking” suggéraient qu’il s’agissait d’informations complémentaires fournies par la rédaction.».
Peu de chance de voir cet arrêt relayé dans les journaux du groupe qui détient un quasi-monopole en Suisse romande. Chez ses concurrents non plus, d’ailleurs. Le Conseil de la presse déclare son inquiétude pour l’ensemble de la presse face à « l’augmentation des cas avérés de dissimulation de contenus commerciaux. Ce phénomène nuit à la crédibilité des médias et sape par conséquent aussi leurs fondements commerciaux ».
Les derniers à apprécier ne seront pas les partisans de l’initiative pour les multinationales responsables, encore plébiscitée par près de 80% de la population dans les sondages au début du mois de juin.