Elle était en tout cas prévisible. Quand, en 2010, l’auteur de ces lignes publie le livre info popcorn – Enquête sur les médias suisses, en collaboration avec le journaliste alémanique Richard Aschinger, les ingrédients d’une grave crise étaient déjà réunis.
Un chapitre de l’ouvrage porte ce titre éloquent: «La presse romande assassinée», référence à un chapelet de mauvais choix stratégiques dus souvent à des problèmes de succession. Un entrepreneur éditant un journal local qui rapporte de l’argent aimerait prendre sa retraite mais il ne parvient pas à intéresser ses héritiers. Il vend alors à un éditeur plus gros que lui. Pendant deux décennies, dans les années 1980 et 1990, ce prédateur s’appelle Lamunière, du nom de la famille qui contrôle le groupe Edipresse.
Dans le canton de Vaud, plusieurs quotidiens terminent ainsi dans le giron du monopole lausannois qui s’empresse de les intégrer dans 24 Heures, une stratégie qui s’avèrera un fiasco, au bout du compte. Les lecteurs se désabonnent en nombre.
La concentration touche également Genève où Edipresse profite des errements et naïvetés des décideurs genevois. «La Julie» est reprise mais ne disparaît pas, contrairement à ces fanions de la République que sont La Suisse et le Journal de Genève. En 1998, la messe est dite, Edipresse domine la presse lémanique. Mais c’est pour mieux la livrer au plus offrant. En 2009, Tamedia s’empare de l’empire Lamunière. Le pouvoir de décision est transféré à Zurich. En attendant de l’être à Berlin ou à Pékin? La Suisse romande n’a plus que les yeux pour pleurer, elle doit aussi s’en prendre à elle-même.
GHI