C’en fut un crève-cœur pour lui. Que dirait-il aujourd’hui du démantèlement de la Poste?
La régie – convient-il de l’appeler encore ainsi? – prévoit la suppression de centaines d’offices au cours des cinq prochaines années, poursuivant une restructuration qui ramènera son réseau à la portion congrue. La population s’en émeut à juste titre, les courriers des lecteurs s’embrasent. La clientèle traditionnelle mais aussi des anciens employés s’insurgent contre la course aux marges bénéficiaires qui dénature la mission de la Poste. Une notion tellement au coeur du débat qu’il a fallu reporter l’annonce de la restructuration pour ne pas influencer négativement le peuple lors de la votation sur le service public, affirment les mauvaises langues.
Le géant jaune dément, bien sûr, mais ne peut pas nier l’intégration dans ses scénarios des schémas classiques de la privatisation avec leur cortège d’économies menées au pas de charge. Une tendance que l’arrivée de Suzanne Ruoff à la tête de la Poste n’a pas inversée. En 2011, le syndicat du secteur avait pourtant salué une première, la nomination d’une femme à la direction générale. Manifestement l’intéressée n’a pas oublié qu’elle a d’abord été formée chez IBM puis British Telecom, deux multinationales peu renommées pour leur altruisme. Et puis au conseil d’administration de la Poste, plusieurs personnes sont très proches des milieux de la finance.
Le bon vieux timbre appartiendra-t-il bientôt uniquement au monde des collectionneurs? A l’heure du courrier et des paiements électroniques, la Poste invoque le changement des habitudes pour justifier sa cure d’amaigrissement. Ce faisant elle oublie qu’elle a aussi un rôle à jouer contre la déshumanisation rampante. On peut d’ailleurs se demander dans quelle mesure l’évolution avancée par les responsables du géant jaune pour justifier la restructuration ne relève pas d’un conditionnement. En quoi le fait de trouver Harry Potter à la Poste avance-t-il l’usager?