Extraite des archives de la RTS, une petite vidéo datant de 1972 tourne en boucle sur les réseaux sociaux. On y voit et écoute l’océanographe Jacques Piccard revenir sur des prévisions établies par le Groupe de Rome et des futurologues de l’institut MIT de Boston. L’ordinateur réfléchissait déjà plus rapidement que l’être humain puisque ces mêmes chercheurs s’y référaient pour établir des projections quand à l’avenir de l’humanité. On avait mis en boîte des données telles que la production alimentaire, industrielle et énergétique, la consommation, les ressources naturelles, la pollution, etc… Le fils de l’inventeur du bathyscaphe martèle un résultat inquiétant: vers 2030, la population mondiale connaîtra une décrue des deux tiers, correspondant au cycle des grandes catastrophes naturelles qui ont dévasté le monde animal en raison de surpopulation d’espèces… si nous ne faisons rien pour changer nos habitudes! A savoir, si nous ne réduisons pas de 40% les investissements, de 50% la pollution et de 75% l’exploitation des matières premières. Le journaliste Claude Torracinta qui l’interviewe pour la télévision romande en compagnie de Jean Dumur fait part de son scepticisme: mais comment inverser le cours des événements s’il faut satisfaire les croyances religieuses et nourrir la planète, qu’ont à faire de ce que l’on pouvait déjà appeler une forme de décroissance les pays où règnent la précarité et la famine? Réponse cinglante de Piccard: « votre question montre le danger… ».
La crise que nous vivons depuis une année nous confronte dramatiquement à cette déduction désabusée du scientifique vaudois, formulée il y a près de cinquante ans. Mais aussi aux appels désespérés que lancent depuis plusieurs décennies des esprits qui s’efforcent de réfléchir en dehors de tout conditionnement, étatique ou industriel. Il y en a beaucoup qui, dans le sillage d’Ivan Illich, pour ne prendre qu’un critique éminent de la société consumériste, ont crié et crient toujours dans le désert. En meublant le confinement, nous avons retrouvé dans notre bibliothèque altermondialiste les ouvrages de Susan George, Serge Latouche, Teddy Goldsmith et tant d’autres, tel cet « Hommes et bêtes en sursis », republié en 2008 par un vétérinaire genevois, décédé la même année, Claude Jacquier. Remarquable. Il dit déjà tout, anticipant sur les épidémies et pandémies qui vont continuer à frapper le genre humain à la manière d’un métronome diabolique. Tant il est vrai que l’on parlait déjà du coronavirus il y a… 15 ans! Les raisons du titre pessimiste de son livre? « Des maladies que l’on croyait éliminées réapparaissent (…), des maladies de civilisation sont à leur tour apparues (…), notre environnement est malade. » Le texte veut s’achever par un message d’espoir que nourrit l’Appel de Paris lancé par Jacques Chirac en 2007. Mais qui se souvient encore de ce beau discours? Qu’ont fait les Etats pour prévenir les épidémies, en saisissant le problème à sa source: la mondialisation et ses avatars, l’Organisation mondiale du commerce, le Forum de Davos…? Que font-ils surtout pour sensibiliser les populations masquées et tétanisées aux grands défis qui les attendent à la sortie du tunnel? Prenez le vaccin et tout rentrera dans l’ordre! Oubliez tout, consommez, voyagez comme avant, youpi!