Les Suisses n’en veulent pas à Corti. Ils lui ont pardonné car cet ancien diplomate incarna à sa manière l’illusion folle d’une petite nation, convaincue jusqu’en 2001 qu’elle pouvait continuer à s’offrir une compagnie d’aviation nationale, pari somme toute légitime pour un pays prospère. Par contre ils gardent une dent contre l’oligarchie qui coula leur beau navire des airs dans un scénario digne d’une république bananière. Des banquiers, des industriels, des politiciens. Des personnages à l’ego surdimensionné qui ne durent leur salut au tribunal qu’à l’habileté de leur système de défense. La loi ne punit pas l’incompétence…
Beaucoup de lignes restent encore à écrire sur les responsabilités dans la catastrophe. Les zones d’ombre sont nombreuses. Comment se fait-il que d’autres bannières ailées passées par les mêmes affres à un moment ou un autre au cours de la dernière décennie – Alitalia en est un exemple – n’ont pas été réduites à la même triste extrémité? Entraînée par Swissair dans sa chute, l’autre exception de niveau national, Sabena, ressemble à s’y méprendre à une histoire belge.
La faillite de Swissair demeure l’un des échecs les plus spectaculaires du monde de l’aviation civile. Elle a surtout traumatisé un pays. Symbole de sécurité et de stabilité, cumulant les louanges dans la presse spécialisée internationale, reliant les Alpes et le Jura aux quatre coins du monde, Swissair fut sans conteste le meilleur ambassadeur de la Suisse. Depuis la débâcle, on dirait que la conscience des Suisses ne se reflète plus de la même manière dans les urnes. Comme si la mort de Swissair l’avait rendue orpheline de sa fierté.