La dernière affaire en date, la manipulation des taux interbancaires connus sous le nom de Libor, mériterait à elle seule que l’on retire sa licence au mastodonte helvétique. Pour l’instant, UBS s’en tire avec une amende record de 1,4 milliard mais des suites pénales ne sont pas exclues, chaque jour apportant son lot de révélations et de victimes. Le plus grave étant que la fraude sur le Libor ébranle les fondements mêmes du système basé sur la confiance des investisseurs.
Plus que jamais UBS semble mériter les surnoms peu flatteurs qu’inspirent son acronyme. Révélateur est le dépouillement du courrier des lecteurs dans la presse romande. UBS est tantôt l’ « Union des Banques Sales », tantôt l’ « Union des Banques à Scandales », voire l’Union des Bandits Suisses », une organisation « criminelle » qui n’a tiré aucune leçon du passé, n’hésitant pas à récidiver malgré le coup de semonce de 2008. Cette année-là, prise à la gorge dans l’affaire des subprimes américains, UBS avait failli devoir mettre la clé sous le paillasson. Elle n’avait dû son salut qu’à l’aide sonnante et trébuchante de la Confédération ainsi qu’à la caution de la BNS.
Le scandale du Libor est tel qu’il relègue au rang d’aimable anecdote l’affaire Adoboli, du nom du courtier londonien d’UBS condamné récemment à sept ans de prison pour spéculation abusive. La fraude n’était pourtant pas insignifiante: elle a coûté 2 milliards de dollars à UBS. Sans compter que l’employeur a écopé d’une amende de 37 millions d’euros de la part du régulateur britannique. Un montant qui s’ajoute aux presque 800 millions de dollars payés en 2009 par UBS pour clore une affaire d’évasion fiscale aux Etats-Unis. Et l’on ne parle pas de l’information judiciaire ouverte à Paris, après qu’en septembre 2012, le siège d’UBS en France a été perquisitionné. L’enquête porte sur des soupçons de blanchiment de fraude fiscale.
Au train où vont les choses, on se demande quels seront les prochains diablotins qui jailliront de la boîte à (mauvaises) surprises. En d’autres temps en d’autres lieux, cette accumulation insensée de délits aurait abouti à une condamnation exemplaire, l’exécution pure et simple du coupable. Aujourd’hui on n’applique que des emplâtres car UBS est devenue intouchable. Jouissant d’un statut quasi-divin, elle vogue tel un paquebot fantasmagorique sur son statut de banque « too big to fail ». A preuve la clémence que la Bourse a manifestée dernièrement à l’égard du titre UBS. Comme si la quarantaine d’employés du groupe bancaire précipités dans la gueule brûlante de Moloch avaient calmé sa colère. Pourtant UBS devra procéder à de lourdes provisions, ce qui amoindrira d’autant son bénéfice annuel.
L’indignation n’est pas démesurée non plus dans le monde politique. La présidente de la Confédération s’est déclarée « choquée », sans plus. Quant au président d’UBS, l’ex-patron de la Bundesbank Axel Weber, il doit se demander ce qu’il est venu faire dans cette galère. Pour l’heure, il se contente de prôner une révision de la culture d’entreprise de la maison. On lui souhaite bonne chance.
Peut-être se rassure-t-il avec les chiffres concernant l’afflux d’argent frais au cours des derniers trois mois. Malgré la guerre fiscale qui éloigne des coffres helvétiques les fortunes européennes et américaines, UBS verrait ses fonds sous gestion augmenter. D’où proviennent les nouveaux capitaux? S’agit-il de fonds de dictatures d’Afrique et d’Orient? Mystère. En septembre dernier, le responsable de la gestion de fortune d’UBS disait pourtant s’attendre à des retraits se situant entre 12 et 30 milliards de francs dans son établissement du fait de l’opération cartes sur table de la place financière suisse. Les chemins de la sainteté sont manifestement très sinueux dans l’opaque monde bancaire.