Un ancien très haut responsable de la BNS a qui je posais la question de savoir si l’institut d’émission activait la planche à billets pour sauver la finance helvétique de la noyade me répondit d’une manière à la fois ironique et irritée: «Mais qu’est-ce que vous allez croire là?».
Ce devait être peu de temps après le krach des subprimes. Aujourd’hui il n’est plus personne pour oser douter de l’action intensive de la BNS visant à fabriquer du franc suisse, surtout virtuellement. Le maintien de la monnaie helvétique à un niveau supportable pour les exportateurs justifie cette entorse au dogme économique classique selon lequel la production abusive de monnaie est cause d’inflation, l’une des sept plaies d’Egypte quand la hausse des prix dépasse un certain pourcentage.
Faut-il déduire de cette anecdote que l’on ne doit pas prendre les déclarations de dirigeants de la BNS pour de… l’argent comptant? Ou bien convient-il de penser que la situation mondiale a évolué de telle manière que la gouvernance des banques centrales échappe désormais au bon sens? Peu engageants sont les résultats de la BNS au premier trimestre de l’année 2015. Moins en soi en raison de la perte record de 30 milliards que de l’incertitude révélée par les placements en devises.
La BNS a réduit ses engagements en euro, ce qui est la moindre des précautions. En pleine dégringolade, la monnaie européenne n’en constitue pas moins encore 42% de ses réserves en devises, une proportion qui restera importante, dans la mesure où la BNS n’a pas envie de transformer en perte réelle ce qui n’est encore qu’une moins-value comptable. Ce faisant, elle va se trouver dans le même état psychologique que le détenteur d’actions UBS achetées avant 2008, lorsqu’elles valaient cinq fois plus qu’aujourd’hui. Dégoûtée.