Pour propulser le nouveau président sur le devant de l’histoire, le « storytelling » du nouveau président français ne recule devant aucune référence mythique. Les faiseurs d’image ont capté l’air du temps. Dans un pays en proie au doute, ces professionnels de la com’ vendent l’homme providentiel, Moïse guidant son peuple. L’illustre Corse qui, sabre au clair, franchissait un rideau de balles sur le pont d’Arcole, oui, ce bicorne-là a de quoi se retourner dans sa tombe.
Clichés twitterocompatibles. Macron n’est pas Bonaparte. Macron n’est pas de Gaulle non plus. Même s’il en revendique l’héritage « ni droite, ni gauche ». S’il revenait aujourd’hui, nul doute que le général à la haute taille et au verbe grave s’enquérerait de savoir comment le nouvel occupant de l’Elysée compte restaurer le prestige de la France, autrement que par des ventes d’armes. Quid de l’amitié avec les pays arabes? Quid des relations avec l’ancienne Union soviétique, cette Russie, aujourd’hui cible de sanctions, à qui de Gaulle passait tout, ou presque, tellement il la respectait. Tempi passati. Au soir de son élection, Macron-la-main-tendue a refusé de recevoir les journalistes de Sputnik, l’ancienne agence Novosti.
Les mythes se bâtissent au rythme du clairon et s’évanouissent dans un clapotis de gondoles. Quand il va voir Mme Merkel, Macron est le « sauveur » de l’Europe. Comme Charles Martel, arrêtera-t-il les maures aux portes de Poitiers? Dans l’attente de ce haut fait d’armes hypothétique, personne ne se demande si l’Europe dont on lui a confié le destin est celle d’Erasme ou celle d’Alan Dulles, mentor de la CIA. Car l’Europe qui émerge des ruines de la guerre est bien la création de ce grand manipulateur des intellectuels du Vieux-Continent. Si bien que toute velléité ultérieure d’en faire une entité indépendante et forte tiendra d’un leurre entretenu par les dirigeants allemands à la botte de Washington.
Dévoués à la cause du divin énarque, volée promotion Senghor, les médias de l’hexagone vont jusqu’à exhumer un personnage dont Macron affirme qu’il fut son père spirituel, feu Paul Ricœur. Sur France Culture, tel historien et professeur parisien se livre à moult contorsions de pensée pour démontrer de quelle manière le jeune président pourrait s’imprégner du mysticisme humaniste du philosophe personnaliste. En omettant de signaler que le mouvement personnaliste dont se réclamaient plusieurs grands européens à l’instar d’Alexandre Marc et Denis de Rougemont, se caractérisait par la détestation de tous les ismes. Communisme, capitalisme et… libéralisme, un dogme que Macron n’est pas près de renier, même si ses thuriféraires persistent à qualifier d’ «égalitaires» ses options mondialistes.