On sait peu de chose finalement du voyage que le conseiller fédéral Ignazio Cassis a entrepris en Chine. Il s’agissait pourtant du premier déplacement à l’étranger du nouveau chef de la diplomatie helvétique.
Arrivé le 3 avril à Pékin, le ministre des Affaires étrangères helvétique s’est rendu le jour suivant au coeur de l’Empire du Milieu, sur la Route de la Soie, avant de s’envoler le 5 avril en direction de la Mongolie. Relations à leur «plus haut niveau historique», mise en place d’une plate-forme stratégique helvético-chinoise en marge du Forum de Davos, médiation dans les pourparlers entre les deux Corée. Dans la capitale chinoise, on n’économise pas sur les superlatifs pour commenter l’entretien qu’ont eu M. Cassis et son homologue chinois, M. Wang Li. Mais les dépêches sont singulièrement sobres sur la suite des événements.
Pourquoi tant de discrétion médiatique pour la venue du Marco Polo tessinois? Comme Emmanuel Macron, en janvier dernier, M. Cassis a affirmé son soutien à l’initiative « La ceinture et la route» destinée à dynamiser le commerce entre l’Asie et l’Europe. A la clé, des contrats mirifiques en lien avec la réalisation d’infrastructures routières, ferroviaires et portuaires sur une ceinture comptant 65 pays. Un pactole estimé à 1000 milliards de dollars, le monde industriel en salive déjà. A commencer, sans doute, par les dirigeants d’Ems Chemie, l’entreprise aux mains de la famille d’un certain Christoph Blocher, au parti duquel M. Cassis doit son élection au Conseil fédéral en septembre dernier. On ne compte plus les antennes de ce groupe chimique en Chine.
A l’heure où les rênes de la Chine sont confiées à un empereur de droit divin, le lyrisme de la délégation helvétique a de quoi interpeller. Une timide référence aux droits de l’homme figure comme il se doit sur le communiqué de presse distribué à l’issue des entretiens mais on imagine mal le radical Cassis faire du zèle et critiquer l’absence de syndicats en Chine.
A Davos, à l’occasion du Forum économique de 2017, différentes personnalités de Suisse avaient adressé au Chambres fédérales une pétition attirant l’attention sur le manque de liberté d’expression et de déplacement ainsi que sur l’existence de la torture et de camps d’internement en Chine. Demandant en outre l’ouverture d’une conférence internationale sur l’approvisionnement en eau de la population tibétaine, elles soumettaient à une pesée de consciences l’application du traité bilatéral de libre-échange signé en 2014 par la Suisse et la Chine. Le voeu n’avait pas dépassé le stade de la piété. On ne voit pas pourquoi il en serait autrement aujourd’hui.