Ce média n’est pas le seul à faire les frais de la pandémie. Dans le monde, des centaines de titres passent de vie à trépas depuis le début de l’année, comme si leurs éditeurs n’avaient attendu que ce « signe du destin » pour accélérer une évolution que la fin du modèle économique fondé sur la publicité rend inévitable.
La situation est grave car la descente aux enfers des médias affecte le fonctionnement même de la démocratie. L’information est un droit élémentaire du citoyen. Sans une presse locale aguerrie, des scandales comme l’affaire Epstein, du nom de feu ce financier reconverti dans la traite des blanches au « profit » du gotha politique et nobiliaire mondial, ne seraient pas révélés.
Chroniqueuse au Washington Post, Margaret Sullivan le déplore: des sujets qui, autrefois, auraient été décortiqués dans le cadre d’une enquête fouillée sont aujourd’hui bâclés. Denver a perdu ainsi l’un de ses deux quotidiens et 90% des journalistes locaux. Dans cette région au centre de forte tensions sociales, la presse n’est plus que l’ombre d’elle-même. Elle confie l’information aux grandes chaînes de télévision qui diffusent en boucle une actualité politique rabâchée.
La liste des thèmes négligés par les spécialistes de l’information, faute de moyens suffisants, mais pas seulement, s’étend à une multitude d’autres événements dont le moindre n’est pas la réthorique belliqueuse que se livrent la Grèce et la Turquie à propos des réserves de gaz en mer Egée. Dans notre dernier article, nous parlions du vaccin anti-coronavirus et du doute profond que son efficacité inspire. Quiconque ose aborder le sujet de manière critique se voit trop facilement taxer de complotiste.
On peut aussi s’interroger à propos du message presque radieux que véhicule l’administration publique quant aux conséquences économiques de la crise sanitaire. Chômage sous contrôle à des chiffres indécents en comparaison mondiale, faillites limitées, le mot d’ordre est manifestement à l’apaisement des inquiétudes. On ne sait jamais, le peuple excédé pourrait exiger moins d’impôts! Reste que cet optimisme de façade ne reflète pas la réalité. Des dizaines de milliers de salariés en régime de réduction de temps de travail attendent toujours de savoir à quelle sauce ils seront mangés. Parmi eux, de nombreux journalistes qui n’ont plus le temps ni l’envie d’enquêter sur le propre sort.