Le campus horloger qu’un géant du luxe genevois construit à grands frais à Meyrin ne doit pas faire illusion: l’heure est aux restructurations et à l’introspection. La branche a vécu sur un trop grand train de vie, elle paie une certaine mégalomanie et un manque de prévoyance.
A Interlaken et Lucerne, les touristes japonais font la queue devant les magasins de montres où les accueillent de braves étudiants déguisés en mandarins. Les responsables du marketing des groupes horlogers helvétiques affectent le bonheur mais omettent d’ajouter que le marché suisse ne constitue qu’une petite partie du chiffre d’affaires. Les ventes indigènes ne sauvent pas la mise sur les rapports de gestion.
Les horlogers suisses accusent le franc de pénaliser leurs résultats. Mais la raison principale du retour de balancier est ailleurs. Les fabricants de montres ont oublié l’élémentaire prudence. Ils ont investi tous azimuts pour satisfaire des rêves de grandeur. Aujourd’hui ils paient la note. En Asie, les ventes s’effondrent. Les stocks s’accumulent, importants.
Mais surtout, et c’est bien plus grave, une certaine culture horlogère se perd. Tombées aux mains de financiers obnubilés par le rendement spéculatif, les usines ont négligé le goût du travail bien fait. Le souci de l’innovation. Elles ont délégué la qualité aux concurrents asiatiques. Dans leur aveuglement et leur autosatisfaction, elles n’ont pas réalisé que les Chinois étaient autre chose que des pigeons et des contrefacteurs. Dans le haut de gamme, l’Empire du milieu offre aussi de la bonne mécanique. L’horlogerie suisse va-t-elle droit dans le mur? Aux yeux de nombreux artisans jurassiens, toutes les conditions d’une bulle sont réunies. Son éclatement menace un tiers des effectifs.