Les hôtes des cinq étoiles lausannois ont certes pu lâcher moult «ah» et «oh» devant la coûteuse débauche d’effets visuels et auditifs. Véritable orgie pyrotechnique dont la faune ailée a été la victime. Depuis son balcon haut perché le soussigné a pu observer la fuite éperdue des volatiles quittant un havre boisé pour essayer d’en retrouver un autre. Vaine tentative.
Lausanne compte plusieurs parcs arborisés mais aussi autant d’aires de stationnement situées à proximité, offrant une plate-forme de tir hospitalière aux rampes de fusées. Pas de répit pour les animaux ailés. Une, deux, dix gerbes multicolores suivies d’explosions les faisaient repartir vers un improbable ailleurs de quiétude.
Je ne parle pas des autres bêtes qui ont subi le déferlement de feu et de bruit terrées dans un buisson ou prostrées au fond d’une salle de bain. Se poursuivant tard dans la nuit, Persépolis s’est déchaîné au mépris de la nature et parfois des personnes. Pour parvenir à s’endormir avant minuit, il fallait une sacrée dose d’abnégation patriotique.
On dit que les feux d’artifice ont été inventés par les Chinois. Je ne suis pas certain qu’il s’agisse de leur trouvaille la plus intelligente. Célébrer la fête nationale vaut-il surtout que l’on encourage un tel déluge de décibels? Les paisibles vésuves et poétiques lampions ne suffisent-ils plus à contenter le commun des Helvètes? Interrogation de quidam aux préoccupations héritées de générations de femmes et d’hommes attachées à la terre.
D’autant que quelques heures plus tôt, le même « Candide » découvrait les charmes rupestres d’un alpage du Pays-d’Enhaut délicatement offert aux amateurs de produits du terroir. Nul doute que les « brunchs » à la ferme offrent un cadre autrement plus propice à la fraternité, l’état d’esprit que l’on attend des réjouissances entourant la fête nationale.
La pulsion bruyante s’assimile à l’attitude d’un homme mal dans sa peau qui fait vrombir le moteur de sa décapotable. Ou bien à une manifestation de force dans un pays à l’histoire complexe et complexée. La Suisse est-elle de ceux-là?
Le 14 juillet commémore en France un événement sanglant, la prise de la Bastille. Le défilé martial des Champs Elysées tient à marquer la force d’un pays qui veut compter sur l’échiquier mondial. Le 1er août perpétue le souvenir d’un serment liant trois fondateurs d’un concept d’alliance défensive de micro-Etats au coeur de l’Europe. Cette vocation mérite-t-elle qu’on lui rende hommage par des symboles de faste et de puissance offensant l’équilibre de la nature et l’idéal de paix?