Plusieurs Suisses influents ont participé aux débats du groupe de Bilderberg, à Montreux. L’un d’eux est le président de la Confédération dont il serait fort surprenant qu’il se livre à des révélations sur le rendez-vous le plus secret au monde. Ueli Maurer passe son année de primus inter pares à ne pas communiquer sur ses déplacements à l’étranger. Le silence radio a régné à Pékin et Washington où M. Maurer a échangé des confidences avec deux des trois hommes les plus influents de la planète politique. Il n’y aucune raison pour qu’il change d’attitude, d’autant que personne ne lui demande des comptes. Avant lui, Johann Schneider Ammann ne s’était pas gêné non plus. Aucune curiosité n’était venue perturber son déplacement à Turin, l’an dernier, lieu du précédent Bilderberg.
Cette fois, le risque que les médias s’emparent de l’événement n’est pas plus grand, au contraire. M. Tamedia, Pietro Supino, figure parmi les participants! Sa présence bâillonne automatiquement les journalistes du groupe de presse, présent de Genève à Romanshorn. Lequel, parmi eux, osera demander à M. Supino quelle a été la teneur de ses échanges avec ses homologues de la presse anglo-saxonne dont la lecture, ces derniers jours, révèle l’état des relations internationales, revenues à l’époque de la guerre froide? Le “Financial Times” nous apprend ainsi que la Russie se livre à des essais nucléaires en catimini, avant de revenir sur le chantage aux terres rares exercé par la Chine. Une pénurie en minerais déterminants dans la fabrication des ordinateurs menace le champion de l’Occident. Le quotidien britannique évoque également la faillite du Venezuela pour rappeler que ce pays jouit du soutien de Cuba. Sans parler de l’Iran, éternel satan. Bref, les blocs idéologiques se reforment et les journaux suisses se coulent dans le moule. Le bon, le méchant, manichéisme du bon vieux temps, pâte à modeler des éditorialistes frustrés par des décennies de panne intellectuelle induite par la mondialisation de la pensée. Effets de manche, parade d’abdominaux ou risques réels, peu importe. En termes économiques, l’exaspération des tensions est en soi une bonne affaire car elle nourrit l’industrie des armes.
Autre Suisse dont la présence a été confirmée à Montreux, André Kudelski est un habitué de ce genre de club puisque son entreprise fabrique le badge du WEF à Davos. Interrogé par l’ATS sur les raisons de sa participation à Bilderberg, M. Kudelski n’y trouve rien à redire. Des « complotistes », ceux qui s’aviseraient de la critiquer! Parce qu’il passe désormais le plus clair de son temps en Amérique, mentor de Bilderberg, l’entrepreneur vaudois est logique avec ses options. Mais s’il parvient à persuader les médias, rien ne dit que son pouvoir de conviction reste intact auprès des analystes financiers, dans un monde, celui des investisseurs et des caisses de pension, où la crédibilité se mesure aux résultats. Des “complotistes”, les détenteurs d’actions Kudelski? Allez le leur dire, eux qui ont perdu 65% de leur mise depuis 2016!