Il était dit que l’année 2011 ne dérogerait pas à la règle. Depuis une décennie, les acteurs du monde financier ne connaissent plus le rythme paisible des vacances au bord de la mer. Scandales ou licenciements massifs viennent étoffer l’actualité moite de l’été. Cette année, c’est la bourse qui fait des siennes. Devenus épileptiques, les marchés subissent de violentes secousses. En cause: l’instabilité de la zone euro, le déficit américain mais aussi des appréhensions de plus en plus grandes quant à l’état de santé de l’économie mondiale.
C’est que depuis le début de l’année, la glissade des indices boursiers se rapproche de 20%. En Suisse, certaines valeurs vedettes, comme les grandes banques, reculent même de 30%. Hier, c’était au tour de la bourse de Tokyo d’entrer dans la ronde infernale, avec une perte de 3,8%. Une situation qui n’est pas sans rappeler les prémices du krach de 2008. Les titres des actions ont commencé à décrocher au début de l’été avant de s’effondrer au cours de l’automne. Au total, la chute atteindra 40% en Suisse. Directeur de Swisscanto Prévoyance professionnelle SA, Othmar Simeon en a encore froid dans le dos : «cette crise a été la plus dure jamais enregistrée par les caisses de pension». Le degré de couverture des caisses privées descend alors à 97%, loin du taux idéal de 115, permettant aux caisses d’engranger des réserves. Heureusement, 2009 se traduit par un boom boursier, ce qui remet les pendules à l’heure. Le taux de couverture revient à 105% pour les caisses privées.
Causes mieux identifiées
Une étude menée par Swisscanto en 2010 montre qu’en moyenne 27% des avoirs des caisses de pensions étaient investis l’an dernier dans des actions. «Il est clair que si les bourses corrigent, les caisses vont pâtir de la situation." Actuellement on tourne autour de 99% en moyenne, on a donc perdu 6% par rapport à 2010. Les caisses ont ainsi épuisé leurs réserves », relève l’expert. Lequel, s’il estime que la situation n’est pas aussi critique qu’en 2008, la juge cependant suffisamment sérieuse pour envisager un accroissement des discussions réunissant les responsables suisses du secteur, quatre par an, d’habitude.
Auteur d’ouvrages de vulgarisation financière, le journaliste économique genevois Pierre Novello n’est pas moins inquiet. Mais il octroie au moins une qualité à la crise actuelle, c’est qu’elle est beaucoup plus transparente que celle de 2007-2008, provoquée par l’affaire des subprimes aux Etats-Unis. «Les subprimes étaient une bombe à retardement dans la mesure où l’on ne contrôlait pas tous les cadavres dans les placards. Les causes du mal actuel sont beaucoup plus identifiables. On paie l’endettement faramineux des Etats. Certes, les statistiques ont été biaisées à l’époque par l’Etat grec, faussant les paramètres concernant la candidature de ce pays à la zone euro, mais cette escroquerie était déjà identifiée depuis un certain temps.»
Il y a aussi des gagnants
Dès lors quelles mesures les responsables des caisses de pension peuvent-ils adopter en cas de crise ? Ils peuvent recommander de réduire la part des investissements dans les actions, suggère Othmar Simeon. Une attitude que les caisses ont déjà adoptée. Impossible toutefois de bifurquer sur l’or qui atteint, lui des sommets : « es montant sont déjà investis». Difficile également de miser sur les obligations d’Etat, rendues moins attractives depuis la dégradation de la note de plusieurs pays par les agences d’évaluation financière. Se délester de tout son stock d’actions ne serait pas forcément la bonne solution, on l’a vu en 2008. «Les caisses qui tout vendu, n’ont pas bénéficié du boom de 2009», observe Othmar Simeon. Lequel conclut: ce qui est mauvais pour les uns ne l’est pas forcément pour les autres. «L’intensité de la capacité de nuisance de la chute de l’euro, par exemple, n’est pas la même pour tout le monde. En tout cas pas pour les caisses qui se sont prémunies contre le risque de change».
Un avis que partage Pierre Novello. «La crise affecte d’abord les caisses dont les exigences de rendement sont les plus élevées et qui sont davantage exposées aux aléas boursiers. Par contre celles qui ont beaucoup d’actifs immobiliers s’en tirent beaucoup mieux, ne serait-ce que parce que les loyers leur offrent des rendements intéressants réguliers.»