Rien de plus facile, Emile! Vous lancez l’idée après avoir constaté peut-être que quelque chose ne tourne pas rond au royaume de la devise nationale, cible de toutes les spéculations et manipulations politico-financières. Vous vous faites la réflexion suivante en observant votre voisin qui vend des produits du terroir: pourquoi ne pas élargir le cercle de ses clients en les fidélisant avec une monnaie du cru? Une communauté d’individus et de PME mus par un esprit d’échanges à taille humaine. «Un retour aux fondamentaux de l’économie», résume le sociologue genevois Jean Rossiaud.
Au terme des premières cogitations, vous choisissez une petite imprimerie qui fabriquera les billets, ouvrez un compte bancaire pour le nantissement, développez un logiciel destiné à épanouir le crédit mutuel et c’est parti, mon kiki!
Dans le monde, 6000 expériences de monnaie complémentaire ont ainsi vu le jour. Rien qu’une soixantaine en France, pays qui s’est doté d’une législation ad hoc pour régir les monnaies parallèles. La Suisse n’en est pas là mais elle s’affirme quand même pionnière en la matière. Monnaie créée au plus fort de la crise des années trente, le wir existe toujours, tellement bien qu’une banque a pris son nom, perpétuant le système mais moins l’esprit. Mieux, depuis quelques jours, une nouvelle monnaie circule au pays des Helvètes: le léman. Des coupures de 1, 5, 10 et 20. Sur un total de 200’000 lémans imprimés, près de 40’000 sont déjà en circulation dans le Grand Genève. Au rassemblement Alternatiba organisé au bout du lac le week-end dernier, les premiers lémans ont été échangés, épatant leurs promoteurs. Lesquels touchent du bois: la BNS, grande ordonnatrice du système monétaire, ne sourcille pas. Pourvu que ça dure!