Ces cadres auraient bien sûr profité du boom boursier et particulièrement de l’envolée de 30% du cours du titre UBS depuis le début de l’année, selon la presse dominicale qui cite la Bourse suisse, dont on se demande quelle a été la motivation. D’habitude, quand l’instance de cotation attire l’attention sur ce genre d’événement, c’est qu’il y a des mouvements inhabituels, voire des soupçons d’opérations d’initiés.
Du pur sucrage. Voilà à quoi aura servi le coup de pouce de la Confédération et du peuple suisse, appelés à sauver UBS de la faillite en 2008? A croire que la banque n’a pas retenu grand chose des leçons du passé. Au lieu de la modestie attendue après une telle débâcle, UBS nous offre à nouveau son pire visage, celui de l’arrogance et de l’insouciance.
Bien sûr, UBS a affiché un beau bénéfice au cours du premier trimestre, ses responsables se disent qu’ils y sont pour quelque chose et estiment qu’ils méritent un enrichissement. Mais alors, pourquoi ne pas investir dans la foi d’une nouvelle croissance, pourquoi ne pas acheter au contraire des titres UBS? Interrogé, l’office de la communication d’UBS se garde bien de commenter.
La réalité est peut-être que ce jackpot trahit une situation moins favorable qu’il n’y paraît au premier abord. En cédant leurs titres UBS, les cadres de la banque ne feraient que tirer les conséquences d’une l’instabilité. Le milliard de bénéfice annoncé par UBS pour les trois premiers mois de l’année ne pourrait être qu’un feu de paille.
La banque avance un afflux considérable de fonds: 15 milliards, soit le niveau de 2007, quand UBS surfait sur le boom. Mais d’où vient cet argent, à l’heure où le secret bancaire helvétique vacille face aux pressions fiscales de la moitié de la planète? Les banquiers suisses se referaient-ils provisoirement grâce à l’autre moitié, celle qui émane des paradis du pétrole et des gisements de diamants?
Ce cas de figure ne constituerait pas un progrès et ne ferait que repousser le problème. L’accueil de fortunes provenant de régions où la démocratie est à l’état embryonnaire pour ne pas dire totalement hypothétique participe d’un état d’esprit complice d’injustices et de tensions. Est-ce ce constat qui fait que les dirigeants d’UBS doutent de l’avenir du titre de leur société en bourse? Se disent-ils qu’UBS ne pourra évoluer longtemps sur cette lancée sans rendre des comptes, de la même manière que les banques suisses durent geler jadis les comptes des dictateurs?
Tant de lucidité les honorerait en soi, n’était le contexte d’impunité dans lequel baigne UBS depuis que le monde politique a décidé qu’il fallait la sauver à n’importe quel prix. La mentalité du «tout m’est dû» continue de primer sur le sentiment de responsabilité. L’an dernier, son état-major a déjà commencé à critiquer la BNS qui lui conseillait d’adapter ses fonds propres, oubliant que l’institut d’émission continue de passer l’éponge sur les créances pourries d’UBS, héritées de la crise des subprime.
UBS a de l’aplomb car UBS a des otages qui s’abstiennent de la critiquer. Les médias d’abord, qui vivent de sa publicité. La population ensuite, dont les vieux jours dépendent d’UBS par fonds de pension interposés. Comme lobotomisée, elle verse dans le fatalisme, une indifférence dangereuse, jusqu’au prochain krach qui remettra les pendules à l’heure. Alors les lendemains seront cruels pour ceux qui ont donné un chèque en blanc aux nouveaux aventuriers de la finance.