Il y a chien et chien.
Le berger allemand, héros de Mr. Trump, parce qu’il a mordu le postérieur d’un chef djihadiste en fuite.
Le djihadiste en question, « mort comme un chien », pour reprendre les termes du président américain. Après sa disparition brutale, les journaux les ont répercutés à la une.
De la part d’un manipulateur d’opinion notoire, candidat à sa réélection et désireux de gagner la faveur des électeurs, l’utilisation de termes dégradants pour désigner l’ennemi public numéro un n’étonne pas. Son prédécesseur, élu Nobel de la paix, ne s’était pas privé non plus de cancaner sur le cadavre de Ben Laden, balancé au fond de l’océan, une dalle en béton attachée aux pieds.
La réthorique belliqueuse primaire pose cependant un réel problème éthique quand elle est relayée sans distance aucune par les professionnels de l’information. Dans les colonnes des journaux, sur les ondes, le terme « tuer » a disparu du langage. Il n’est plus question que de « supprimer », « éliminer », « liquider », « abattre ». L’être humain réduit à la condition d’une bête de cour, du bétail, un cochon. Il est vrai qu’à l’ère de la civilisation végane, il est tentant de ne plus faire la distinction. La femme et l’homme méritent-ils un traitement meilleur que l’animal?
A la fin de la Deuxième Guerre mondiale, la Déclaration des droits de l’homme avait laissé entrevoir un espoir. Las, l’humanité n’a guère progressé. Au contraire, la cruauté sévit de plus belle. Les crimes, les destructions n’épargnent plus les populations civiles, otages des conflits. Les drones tuent dans la froideur chirurgicale. Sans visage, l’adversaire au sol n’a pas droit au respect ni à la commisération. Et le bon peuple distribue les points sur son petit écran, consolidé dans ses certitudes par des médias superficiels et complaisants, la voix de leur maître, le promeneur de chiens. On souhaiterait de leur part plus de lucidité et de courage.