Pour le savoir j’ai consulté le classement de Forbes. Chaque année au printemps, ce magazine américain publie la liste des milliardaires en dollars. La Suisse, par exemple, en dénombre 32. Mais le père Noël n’y figure pas. D’abord parce que sa nationalité n’est pas connue. Ensuite probablement en raison du nombre de zéros qui figurent sur son compte en banque: nul n’est à même de les retenir.
La hiérarchie de la richesse s’établit d’une curieuse manière. La plus simple est de consulter les fiches fiscales. Mais celles-ci ne sont souvent pas accessibles. En plus les candidats ne déclarent pas toujours leurs impôts, en tout cas pas à la manière du commun des mortels, un pékin dont on sait par définition qu’il est taillable à merci, en plus d’être corvéable. Alors les spécialistes de la richesse se rabattent sur un catalogue des possessions connues du nabab potentiel. Ses participations dans des sociétés cotées à la bourse, la valeur des biens immobiliers connus en sa possession, etc. En résulte une estimation plus ou moins fiable qui fait le bonheur des parvenus, s’ils sont retenus.
Figurer dans le classement des plus riches est en effet une consécration pour l’individu qui a fait de la réussite financière le but ultime de son existence. Il peut arriver qu’il ne le mérite pas car le magazine a mal estimé ses avoirs et surtout ses dettes. Qu’importe: l’intéressé envoie un message de défi à la communauté financière. I got it! J’y suis arrivé! Autrement dit: la richesse appelle la richesse, bailleurs de tous pays ne rechignez pas à m’avancer des fonds! Nombre de déconvenues et de scandales résultent régulièrement de ce malentendu entretenu par les pages people des médias.
Avec tout ce qu’il achète pour le redistribuer le jour qui célèbre la naissance de Jésus, le père Noël, lui, doit disposer d’un crédit illimité, ce qui lui confère une aura de contribuable extrêmement convoité. L’histoire ne dit pas s’il serait fier de devancer Bill Gates, l’homme le plus fortuné du globe, dans la hiérarchie de Forbes. Un personnage qui n’a rien du père Noël en dépit de l’image de philanthropie que sa fondation distille à longueur de communiqué quand cet actionnaire de firmes pharmaceutiques teste des vaccins dans le tiers monde.