Mais replaçons-nous d’abord dans le contexte géopolitique et systémique qui a précédé l’attaque du World Trade Center. L’année 2001 débute par deux événements politiques qui placent des va-t-en guerre aux premières loges. En Israël, le faucon Ariel Sharon devient premier ministre. Au même moment, George Bush, fils du vainqueur de la première guerre d’Irak, a pris les rênes de la première puissance mondiale.
Crise systémique
Le passage du témoin entre l’aîné des héritiers de la dynastie pétrolière texane du même nom et son prédécesseur Bill Clinton coïncide avec une sérieuse remise en question des paramètres idéologiques. Après un essor ininterrompu depuis la chute du mur de Berlin, la vague des privatisations semble donner des signes de fatigue. La rue conteste toujours plus bruyamment les grandes institutions économiques comme l’Organisation mondiale du commerce, le Fonds monétaire international et la Banque mondiale. Face aux réunions du G8, les altermondialistes donnent de la voix, secourus par les experts climatiques et leurs signaux alarmants. En Argentine, où l’Etat a mis en place un plan d’austérité draconien, les citoyens manifestent massivement leur ras-le-bol.
Du coup, l’économie, florissante aux contours du millénaire, connaît d’inquiétants ratés. Un boom boursier sans précédent s’achève de manière abrupte, les valeurs technologiques s’effondrent dans le sillage de faillites en série. Les secteurs de l’aviation et de la chimie sont sous pression. Le moral des industriels descend en Allemagne et au Japon. La crise devient systémique, contraignant l’administration Bush aux abois à se lancer dans une coûteuse fuite en avant au son des tambours.
Réviseurs sur la sellette
Le krach boursier qui secoue Wall Street en septembre 2001 sonne le glas d’une gouvernance aux appétits débridés. Au centre d’irrégularités comptables, le courtier en énergie californien Enron est le premier à laisser tomber le masque. Puis c’est au tour de l’opérateur Worldcom d’afficher un trou de 28 milliards, suivi par Tyco, un conglomérat dont les tentacules vont des produits médicaux aux équipements électroniques. La faillite du groupe agroalimentaire Parmalat met à mal l’image de grands instituts financiers dont UBS, également impliquée dans la déconfiture de l’emblème Swissair.
Par un effet domino, l’opprobre se reporte sur les sociétés de révision. Andersen, numéro 5 du paysage de l’audit, disparaît de la scène. En 2002, les Etats-Unis se dotent de la loi Sarbanes-Oxley destinée à garantir aux auditeurs une indépendance face aux pressions dont ils peuvent être l’objet de la part des dirigeants d’entreprise. La même année, economiesuisse adopte un code de bonne conduite en matière de gouvernement d’entreprise.
Une guerre pour le pétrole
Une guerre pour le pétrole? Dès l’invasion de l’Afghanistan, en 2001, et le début des bombardements en Irak, en mars 2003, des voix critiques s’élèvent. L’intervention démocratique et humanitaire ne cacherait-elle en fait que les sombres desseins du lobby pétrolier aux mains du clan Bush? Dick Cheney, le vice-président américain, a dirigé longtemps le groupe pétrolier Halliburton. La mainmise sur les réserves d’or noir de Mésopotamie s’inscrit dans la perspective du pic pétrolier dont on pressent l’imminence. Les guerres en Irak et Afghanistan vont coûter à l’Amérique entre 3000 et 4000 milliards de dollars.
Milliards pour l’armement
Face à la hausse des cours du pétrole, le consommateur moyen trinque mais l’industrie de l’armement cartonne. Révélateur est la réaction des titres du secteur le 17 septembre 2001, le jour où Wall Street ouvre pour la première fois depuis les attentats. Ils bondissent de 15 à 30%. Selon l’organisme suédois Stockholm International Peace Research Institute (Sipri), les ventes d’armes dans le monde ont augmenté de 22% entre 2005 et 2009. Cette année-là, elles auraient atteint 400 milliards de dollars (2000 milliards, si l’on prend en compte les ventes d’armes illégales), cinq fois plus que l’aide totale au développement. A elles seules les ventes de Lockheed Martin, deuxième fabricant d’armes au monde, égalent le produit intérieur brut d’une centaine de pays. De juteux revenus qui profitent en premier lieu aux investisseurs institutionnels.
Les acteurs se localisent avant tout aux Etats-Unis, en Russie et en France, les principaux exportateurs d’armes. Décrétée en 2001, la guerre contre le terrorisme justifie toutes les interventions militaires, elle se double d’une guerre aux couleurs de la démocratie. Pour pilonner les positions de Kadhafi, la France achète sa munition aux Etats-Unis. De son côté, la Russie continue de livrer ses armes à la Syrie. Ironie du sort, le principal importateur d’armements est l’Arabie Saoudite, la patrie… de Ben Laden. L’Iran, que l’Amérique a placé dans « l’axe du mal », n’est pas loin…
La faillite des Etats
Engagées dans une spéculation effrénée sur le front des hypothèques à risque, les banques dirigées par des aventuriers aux salaires à 7 zéros montrent à quel point l’économie évolue au rythme des salles de casino et n’a rien retenu des leçons du passé. Le krach de 2008 qui mène au sauvetage des instituts de crédit par les gouvernements et les banques centrales ne découle pas directement des événements du 11 septembre. Par contre, il a pour conséquence de creuser le déficit américain que le 11 septembre a embourbé dans les conflits au Moyen-Orient. L’endettement des Etats-Unis est passé de 5300 milliards en 2001 à 14.500 milliards. Comment financer la guerre, sans faire fonctionner la planche à billets, prendre le risque de créer une forte inflation et accentuer le malaise des populations ? Telle est le dilemme des Etats-Unis et de leurs alliés, héritage du 11 septembre 2001.