"Thank you", en anglais pour que les étrangers comprennent bien, est l'expression du jour au Japon, imprimée en dessous d'un thème graphique représentant le drapeau japonais parsemé de fleurs de cerisiers. Un affichage que l'on retrouve partout, sur les poteaux électriques des grandes avenues de Ginza, sur les bus et taxis de Kyoto ou d'Osaka, dans les aéroports ou les devantures d'hôtels… Cette campagne officielle de l'agence nationale du tourisme, baptisée "Japan, thank you", a été lancée le 11 mars 2012, tout juste un an après "the Great East Japan Earthquake".
Elle se poursuit jusqu'à début mai. Son objectif officiel : exprimer la reconnaissance de la nation japonaise, qui, un an après la série de catastrophes qui l'ont gravement frappé, se redresse de nouveau, "grâce au soutien sincère et généreux de la communauté internationale", selon le Commissaire au tourisme Hiroshi Mizohata. Dans un second temps, l'objectif d'encourager les étrangers à venir plus nombreux. Effacée la rancœur envers ceux, dont une majorité de Français, qui s'étaient enfuis au lendemain du 11 mars 2011, un grand nombre d'entre eux sont revenus, c'est le plus important. Et il faut que d'autres viennent encore, et surtout des touristes. Au printemps 2012, leur nombre aura été de 4,1 % inférieur à celui de 2010 (un chiffre certes encourageant par rapport à celui de mars-avril 2011, où ils étaient 70 % de moins à avoir fait le voyage), mais les professionnels japonais du tourisme en espèreraient beaucoup plus.
Tous les efforts sont donc déployés, notamment par cette campagne d'affichage, pour inciter les Occidentaux à comprendre que le Japon leur réservera le meilleur accueil, et que le pays continue d'être "une destination de voyage attractive, offrant des ravissements culturels et des délices culinaires", selon les termes de l'agence du tourisme, faisant entorse à la traditionnelle modestie japonaise. Voulant résolument faire preuve d'optimisme, l'agence a fixé à 18 millions pour 2016 le nombre de visiteurs étrangers attendus, alors qu'ils n'avaient été que 8.61 millions en 2010. Avant la catastrophe de mars 2011, l'objectif pour 2016 était de 20 millions.
Pour convaincre les étrangers de choisir le Japon, les idées n'ont cessé de fleurir ces derniers mois, dont celle, émise en octobre 2011 par Hiroshi Mizohata, et écartée dès janvier 2012 par le ministre des Finances, d'offrir 10'000 billets d'avion gratuits à des touristes potentiels. "C'est très regrettable de décevoir ainsi les étrangers qui comptaient sur cette invitation", a alors déclaré le responsable du tourisme. Selon le quotidien Asahi Shimbun, Hiroshi Mizohata aurait un plan B en réserve : dépenser environ 5 millions de dollars pour inviter des étrangers à visiter la région du Tohoku dévastée. Mais en attendant, il s'est contenté de la campagne "Thank you", moins ambitieuse, et moins onéreuse.
Et, de fait, les touristes, dont davantage de français et italiens, plus nombreux ou plus visibles semblait-il en ce printemps paisible, ont paru sensibles à ces remerciements venus sans conteste du fond du cœur de la part des Japonais qu'ils ont eu l'occasion de rencontrer. Nombre d'entre eux leur ont dit avoir été émus d'apprendre que des cérémonies ou événements de solidarité avaient été organisés dans plusieurs pays d'Europe pour commémorer le 11 mars. "Je me demande si nous aurions fait la même chose", dit Akira, étudiant en marketing. "Nous sommes sur une île, si loin du reste du monde, que nous avons parfois tendance à ne rien voir d'autre", ajoute-t-il. "Et même parmi les Japonais ayant l'habitude de voyager en Occident. Demandez-leur combien voudraient quitter le Japon et aller vivre en France, en Suisse ou en Italie?". "Jamais je ne voudrais vivre ailleurs qu'au Japon", confirme son copain, Kintaro, étudiant en économie, aux cheveux longs teints en blond, récemment rentré d'Angleterre où il a suivi quatre années d'études. "Tokyo est la plus belle ville du monde, et la plus agréable à vivre".
Même son de cloche chez les seniors. Haruki, qui est en train d'ouvrir son restaurant de crêpes (comme beaucoup de retraités, il se reconvertit à une autre activité pour cette nouvelle période de sa vie), une idée qui lui est venue après de longs séjours en France, dit qu'il a beaucoup aimé habiter en Europe quelques années, mais que le Japon reste le pays qu'il préfère, et où il compte bien finir ses jours. Il trouve que la campagne de remerciements adressée au monde occidental était une excellente idée, et se dit touché par l'engouement que suscite le Japon parmi les Français et autres Européens. Sa bonne éducation l'empêche de dire qu'il les comprend.