Affronteraient-ils les mêmes affres s’ils avaient voté différemment un certain 6 décembre 1992? Ce jour-là, ils rejetaient l’Espace économique européen qui aurait dû assurer la libre circulation des marchandises, des services, des capitaux et des personnes. L’acceptation d’un tel modus vivendi se serait apparentée pourtant à rien moins qu’à l’œuf de Colomb. Si vous en doutez, demandez aux Norvégiens comment ils vivent depuis leur adhésion à l’EEE, en 1994.
Bien sûr, la Suisse n’est pas morte après cette date fatidique. Certains diront qu’elle a même «survécu» de manière plutôt avantageuse. Merci, à ses diplomates, inlassables fourmis de l’ombre, qui ont tissé la toile des bilatérales! La Suisse a si bien donné le change qu’elle a entretenu longtemps l’illusion de son invulnérabilité. Pourtant les coups de semonce n’ont pas manqué, qui auraient pu déjà faire tomber le masque. Le premier avertissement a été le crash de Swissair après son bannissement du «hub» européen. La deuxième secousse produit encore des répliques, elle affecte le monde de la finance, ébranlé successivement par trois affaires: les fonds en déshérence, UBS, l’asile fiscal. Si elle avait bénéficié du «bouclier» EEE, la Suisse aurait obtenu davantage de respect de la part de son bourreau américain.
Le bien-être helvétique est-il la raison de l’endormissement de la Suisse? Sans avoir attendu le 9 février, un livre paru aux éditions Slatkine diagnostique le danger qui la menace: l’autosatisfaction. Heidi réveille-toi!, interpellent les auteurs, l’ancien numéro deux de L’Oréal Robert Salmon et le futurologue Christopher H. Cordey.
Chronique parue dans GHI du 12 mars 2014.