Avec 13% du capital, le nabab des télécoms Nassef Sawiris est le deuxième actionnaire de Lafarge, derrière le Groupe Bruxelles Lambert. Son frère Samih Sawiris, lui, est l’artisan de la mutation du cœur de la Suisse centrale en méga-complexe hôtelier et immobilier dont le principal livreur de ciment s’appelle… Holcim. Difficile de ne pas faire de relation entre, d’une part, les participations détenues par ces milliardaires en France et en Suisse, et, d’autre part, le projet de fusion entre les deux cimentiers.
Mais les marieurs doivent se tenir les pouces car la partie n’est pas jouée. Pour aboutir, les épousailles doivent encore obtenir la bénédiction de l’autorité de la concurrence. Bruxelles assure que ses experts sortiront la grosse loupe. Des concessions devraient en découler, qui aboutiront au démantèlement de certaines unités ici ou là. Pour son arrivée à la tête du ministère français de l’Economie, le très susceptible Arnaud Montebourg espérait recevoir un meilleur cadeau.
En Suisse, par contre, Lafarge n’est pas un acteur suffisamment important et les fiancés ne seront pas embêtés par le gendarme de la concurrence, rassure-t-on à Berne. Rien ne garantit en revanche que les nécessaires économies d’échelle n’affecteront pas le niveau de l’emploi dans les unités d’Holcim, disséminées aux quatre coins du pays, notamment à Satigny et Eclépens. En outre, même si la future holding sera basée en Suisse, le futur PDG provient du serail Lafarge. On se demande donc où se situera le véritable centre du pouvoir. Enfin, la Finma serait bien inspirée de s’interroger sur la possibilité d’opérations d’initiés. Dans les semaines qui ont précédé l’annonce de la fusion, le cours de l’action Holcim a grimpé de 20%!
Chronique parue dans GHI du 15 avril 2014.