Il y a de bonnes gens en Amérique. Des personnes attachantes qui vous tendent une main ferme et rugueuse comme un noeud de vigne en vous regardant droit dans les yeux. Ces gens-là, on les rencontre au hasard d’une découverte ou d’une visite. Quand ils savent à qui ils ont affaire, ils ne comptent pas le temps qu’ils vous consacrent, vous pouvez leur confier vos ambitions et vos espoirs, ils tenteront de vous aider dans la mesure de leurs moyens. A l’heure du départ, l’accolade sincère est de rigueur, on ne se reverra plus jamais mais on s’est fait un ami pour la vie.
Un pays fabriqué par des automobilistes
Mais l’Amérique a aussi des côtés beaucoup moins sympathiques. Ce pays a été fabriqué par des automobilistes pour des automobilistes. Le piéton, connais pas! La flânerie est mal vue. Un individu marchant seul dans la rue est par essence louche. Malfrat ou terroriste en puissance susceptible d’interpeller la curiosité malsaine des voitures noires et blanches qui sillonnent la ville comme des squales. Les « cops ». Quand ils vous dévisagent, faites-vous tout petit, prenez l’air le plus ingénu qui soit, on ne sait jamais ce qui pourrait se passer dans leur tête.
Sa réputation de pays violent, l’Amérique ne fait pas grand chose pour la dissiper. Et ce ne sont pas les églises baptistes, plantées comme des mosquées du Sénégal au milieu de nulle part, qui atténueront le malaise. Ces temples souvent immenses, d’un blanc immaculé, poussent comme des champignons. Que cachent-ils, fermés à double tour? On aimerait en tout cas que cette communauté religieuse qui rassemble le quart des chrétiens américains intervienne davantage dans le débat sur les armes à feu. La mentalité du sheriff est si fermement implantée aux Etats-Unis que l’on vend même des fusils au Walmart, l’hypermarché du coin. Malgré les belles déclarations d’Obama, une loi sur la limitation des armes à feu a peu de chances de passer.
Le goût des Américains
Les meurtres collectifs recensés ces dernières années ne suffisent pas à calmer la paranoïa collective. Au fait, vous êtes-vous demandé pourquoi tant de tueries ont eu lieu dans des collèges? Probablement parce que ces établissements qui monopolisent souvent une grande partie du territoire d’une entité citoyenne canalisent toute la vie sociale de l’Amérique profonde. On y choisit son futur conjoint, notamment. Combien de couples n’affirment-ils pas qu’ils se sont connus sur les bancs de l’école.
Bizarrement pourtant, l’insécurité ne semble pas sévir dans les banlieues où la maison individuelle recouverte de planches multicolores constitue l’habitat commun. Les voleurs n’y débarquent-ils jamais? Ma question a paru quelque peu incongrue à un ami américain à qui je l’ai posée. Je lui ai conseillé d’aller faire un tour en Europe où les gens munissent désormais leurs logements d’alarmes et autres serrures prétendument inviolables.
Le goût des Américains ne cessera pas de m’étonner. Inutile de compter sur un petit bistrot sympa. Ce genre d’endroit prisé par les latins n’existe pas en Amérique. Le café le plus avenant est livré au Starbucks, à des prix défiant toute concurrence par rapport à ceux pratiqués en Europe. Mais votre vessie fera mieux d’être à la hauteur. Sachez qu’un « espresso » remplit au minimum un gobelet d’un demi-litre. Au coeur de la Louisiane, l’un ou l’autre restaurant Cajun contentera votre estomac, pour autant que celui-ci ne soit pas trop sensible. Un conseil: achetez un sac de pommes si vous tenez à éviter des problèmes intestinaux.
La métropole de la Louisiane est un cas à part
Ne tirez pas sur le pianiste. Il est en effet des métropoles qui échappent au cliché… qui n’en est pas un. Citons New York, San Francisco ou Chicago. L’exception qui confirme la règle s’appelle surtout la Nouvelle-Orléans. Si vous cherchez à vous réconcilier avec l’Amérique, allez dans cette ville étonnante qui respire la musique. Mais n’en tirez aucune conclusion générale.
Avec ses habitants affables et un brin fatalistes devant l’adversité climatique, son « Mardi Gras » unique – trente jours de fête rassemblant tous les Néo-Orléanais sans distinction sociale – , son tram grinçant – c’est le plus vieux au monde encore en activité – , les mélanges réussis de ses architectures – rassemblés dans le quartier dit des affaires, les gratte-ciels offrent une élégante homogénéité de style et n’indisposent pas le style victorien d’une partie importante de la cité, ni le vieux quartier français protégé en vertu d’une loi de 1937 – , la métropole de la Louisiane est un cas à part. A se demander si la Nouvelle-Orléans, tapie au sein d’un chapelet d’îlots à quelques kilomètres du Golfe du Mexique, n’est pas la grande oubliée de l’Amérique. Mais qui s’en plaindra?