Suite à l’affaire Enron qui avait mis à mal le libéralisme bon teint, les Etats-Unis ont été les premiers à se doter en 2002 d’une loi, le Sarbanes-Oxley Act, destiné à encourager les mécanismes de contrôle dans les entreprises. En Suisse, une révision du Code des obligations est en cours après que les députés Remo Gysin et Dick Marty ont déposé, en 2003, une motion au parlement pour protéger efficacement les dénonciateurs d’actes illicites dans l’esprit d’une convention de l’OCDE ratifiée en 2000. L’objet figurait même un temps parmi les objets prioritaires de l’Office fédéral de la justice. Mais il a pris du retard face aux réticences des organisations patronales. Avec Mme Sommaruga aux commandes, cette instance hâtera-t-elle le pas? On peut le souhaiter.
«Le whistleblower est une pièce maîtresse dans la lutte contre la corruption. Peu importe sa motivation, s’il agit par vengeance ou remords. Ce qui compte c’est la dénonciation d’un cas», relevait dans ces mêmes colonnes en 2008 la directrice de l’antenne suisse de l’ONG Transparency International, Anne Schwöbel. Cette dernière observait non sans raison que l’absence d’une protection efficace offerte aux lanceurs d’alerte constituait un élément dissuasif. «Les gens ont peur. Ils craignent pour leur emploi, leur vie familiale».
Aux dernières nouvelles, l’employé de la Banque Sarasin qui a observé certains mouvements bancaires sur le compte de M. Hildebrand, les assimilant à des opérations d’initié, n’est pas en prison mais il a été mis en examen et fait l’objet d’une instruction. Ainsi semble se perpétuer la malédiction qui pèse sur les lanceurs d’alerte. On se souvient qu’un informaticien de la Radio romande, Jorge Resende, avait payé cher la dénonciation de fichiers pédophiles dans les ordinateurs de la maison. Licencié en 2008, il a fait la grève de la faim devant le siège de la radio à Lausanne.
A Zurich, emblématique est le cas de Christopher Chandiramani, l’analyste du Credit Suisse viré parce qu’il avait osé émettre des doutes sur la santé du groupe Swissair quelques mois avant le crash de la compagnie aérienne. Sa carrière avait été interrompue et sa vie privée bouleversée. Un destin qu’a connu aussi Jürg Sambeth, le fusible du fabricant d’arômes Givaudan dans l’affaire Seveso. Sans oublier Christoph Meili, le garde qui avait fait le fond des poubelles de l’UBS pour récupérer des dossiers relatifs aux fonds en déshérence.
Tous ont connu des moments très difficiles pour ne pas dire tragiques. Pourtant ils ont, chacun à leur manière, rendu service à la société. Ainsi qu’à l’économie et tout particulièrement aux sociétés cotées en Bourse (c’est le cas de la BNS, soit dit en passant), car les actes illicites coûtent cher, parfois très cher.