Sa concurrente, Marine le Pen, a beau avoir progressé de 6 points par rapport à 2012, elle a beau avoir apporté au Front national le meilleur résultat de son histoire, le scénario d’une sainte alliance contre elle a toutes les chances de se réaliser. La présidente du FN connaîtrait ainsi le destin de son père, battu par Jacques Chirac en 2002. Cette année-là, toute la gauche s’était mobilisée pour faire échec au leader de l’extrême-droite en reportant ses votes sur le candidat bourgeois.
Au soir du premier tour, les commentaires titraient en majorité sur le séisme français. Parce que le PS a sombré. Parce que la droite traditionnelle ne participera pas au deuxième tour, pour la première fois de son histoire. On peut le voir comme ça. Mais on peut aussi se dire que ces cultures antagonistes se maintiennent au pouvoir grâce à Emmanuel Macron. Où se situe véritablement le financier trentenaire? A gauche, à droite? Au centre de l’opportunisme, en tout cas.
L’avènement de Macron bouleverse les schémas moins en raison d’un rupture idéologique – ses allégeances au grand capital sont évidentes, en témoigne la réaction euphorique de la bourse de Paris au lendemain du premier tour – que par la manière. Comment un pur produit marketing, un personnage créé de toutes pièces, lancé comme une marque de lessive peut-il parvenir au sommet de l’Etat? Le monde des affaires qui mise sur lui a réussi son coup. Avec Macron, l’Elysée prendra la voie de son championnat de football, sponsorisé par une chaîne de supermarchés.
«En marche, vers quoi?» ironisait ce matin un quotidien suisse, jouant sur le slogan d’Emmanuel Macron. Ce dernier n’est pas encore sur la marche suprême, deux semaines de marchandages s’ouvrent, qui verront une palette de prétendants à un poste de ministre monnayer leur soutien. Peu importe qu’ils soient de gauche ou de droite, l’important est que cette coalition de bric et de broc dame le pion à dame Le Pen. Laquelle fait ses calculs. Les déçus du premier tour ne nourriront pas seulement les rangs des abstentionnistes. Ils se vengeront en votant pour le FN. Dix pour cent de mélenchonistes ajoutés à dix pour cent de fillonistes, cela lui fait 45% de voix au second tour. Le graal est à quelques encablures. Mais il faudrait un retournement de situation à la Trump pour que Le Pen l’emporte.
Macron ou Le Pen. Quel que soit l’élu, le citoyen soucieux d’un mode de vie encourageant les ressources renouvelables sera déçu. Un seul exemple, le nucléaire. Tant Macron que Le Pen ne remettent pas en question le modèle énergétique fondé sur l’atome. Plus de 50 centrales en France! Qui dit mieux? L’Allemagne et l’Italie, ses grands partenaires européens y ont renoncé. La Suisse se prépare à la transition. La France n’y songe pas. Pourtant ses réacteurs vieillissent. Or les nuages, on le sait depuis Tchernobyl, ne s’arrêtent pas aux frontières.
Une raison de plus pour que les Suisses se sentent concernés par le grand jeu électoral français.