Caqueter et chanter sur les rives du lac. Croasser à la lisière d’un bois, n’en déplaise aux âmes chagrines que déprime le moindre arpège de flamenco.
Une ville sans oiseaux est une ville morte. Parce qu’une ville sans oiseaux est une ville sans arbres. Combien de villes ont des arbres mais agissent comme si elles ne les aimaient pas, alors que leurs gouvernements, paradoxalement, se teintent de vert. A Lausanne, par exemple, de nombreux arbres du quartier de la gare seront sacrifiés ces prochains jours. Mais attention, rassure une affiche collée sur leurs troncs encore debout, « les arbres seront abattus en respectant les oiseaux et replantés au même endroit ». L’avis ne précise aucune date. Les travaux d’agrandissement de la gare annoncés par les CFF dureront dix ans…
A Lausanne toujours, la jolie forêt du Flon, poumon de la ville, n’a dû qu’à l’énergie de quelques poètes et fous de la bravade de ne pas finir sous les tronçonneuses d’entrepreneurs de la construction. Une chance que le majestueux séquoia de Rasude n’a pas eue. L’espiègle petit parc dont il était le fier étendard a disparu, bouffé par le ciment de nouveaux locatifs. L’arbre centenaire, refuge historique de colonies de volatiles migrateurs, est mort à son tour, lentement, d’asphyxie. Sur le lieu de son exécution, une statue ridicule a été érigée, symbole de la honte bue.
Perchés sur les arbres de la colline du Mormont, des femmes et hommes oiseaux ne chantent plus l’amour et la liberté. Ils ont été chassés par les scarabées de l’Etat. Au nom de la raison du béton.