Qu’a fait Genève pour les enfants victimes de la deuxième guerre mondiale?
Qu’a fait la Croix-Rouge suisse en faveur des enfants français victimes de la guerre, que cela soit en France – avec assistance dans les homes d’enfants – et en Suisse – avec hébergement de moyenne durée d’enfants en provenance de France – et en Suisse encore en faveur d’enfants réfugiés et des enfants juifs?
En bref est-ce que la Croix-Rouge suisse a accompli son mandat de protection et assistance en faveur des enfants victimes de la guerre des pays limitrophes?
L‘ouvrage de Serge Nessi donne une réponse exhaustive à ces questions et démontre comment d’un Comité neutre d’action pour les enfants dans la guerre civile d’Espagne (1937-1939), l’assistance en France est reprise dès 1939 par le Cartel suisse de secours aux enfants victimes de la guerre, et enfin par la Croix-Rouge suisse, Secours aux enfants dès 1941. Au centre de cette évolution une personnalité genevoise, le dr. Hugo Oltramare, théologien et médecin, reprend comme bénévole la responsabilité de fait pour l’accueil à Genève de nombre de convois en provenance de la France libre et de la France occupée, ainsi que la responsabilité pour tous les aspects médicaux liés à cet accueil temporaire en Suisse. Combien de difficultés à surmonter avec les hauts et les bas de la politique à Paris, à Vichy, mais aussi à Berne. Combien d’obstacles pour étendre le secours aux enfants de Belgique, d’Italie et d’Allemagne, avec l’interférence politique de Berlin!
Hugo Oltramare, se rendant compte qu’il fallait surmonter les difficultés, surtout internes, pour cette importante activité humanitaire, rédige en août 1941 un Appel à ses collègues du Cartel. Il y préconise la création d’une nouvelle institution, d’inspiration suisse essentiellement, totalement indépendante de toute attache étrangère, avec le patronage des autorités fédérales, pour pouvoir accomplir les diverses tâches de protection et assistance en faveur des enfants victimes de la guerre. Sa vision est à long terme, car il prévoit des années de souffrance, qui l’incite à demander à la Suisse d’assumer ses responsabilités.
C’est ainsi que – non pas sans difficultés, surtout d’ordre personnel – le premier pas vers la création de cette institution semi indépendante Croix-Rouge suisse, Secours aux Enfants est fait. Cet ouvrage décrit en détail tout ce que de remarquable a été accompli dans ce contexte par Hugo Oltramare et par la nouvelle institution. Les difficultés d’une société Nationale de Croix-Rouge, « auxiliaire des pouvoirs publics », quant à l’observation du principe fondamental d’indépendance apparaissent clairement et les interférences du Conseil fédéral et son administration, à travers d’un diplomate chevronné, bien connu par le CICR, Edouard de Haller, rendent la tâche des personnes engagées sur le terrain tout autre que facile, même si en certaines circonstances l’appui des autorités diplomatiques suisses se révèle essentiel.
A Genève Hugo Oltramare reste très vigilant sur les problèmes médicaux en insistant sur l’importance des examens sanitaires en France avant le départ des convois. Pour rendre plus efficace ce volet du programme, il se rend même en France pour y voir l’équipe responsable. Il aborde aussi, en coopération avec les autorités des Cantons suisses d’accueil, le problème des enfants pré tuberculeux.
C’est également grâce à Hugo Oltramare que en 1942 l’ancien Hôtel Carlton es transformé en Centre Henri-Dunant, pour l’accueil de jusqu’à 800 enfants. L’inauguration a lieu lors de l’arrivée à Genève d’un important convoi de la zone non occupée. Par la suite aussi des enfants de la France occupée arrivent à Genève et sont également hébergés là où se trouve aujourd’hui le siège du CICR.
Les chiffres relatifs à cette activité humanitaire sont impressionnants. On dénombre à 80 mille les enfants français hébergés en Suisse pendant la guerre et à plus de 80 mille les enfants originaires d’une douzaine de pays européens, souvent hébergés dans les familles de 1945 à 1949, toujours sous l’égide le Croix-Rouge suisse. Mais aussi l’aide apportée entre 1942 et 1945 sur le terrain en France est impressionnante : plus de 550 mille enfants ont reçu une aide alimentaire. L’ensemble de l’action a comporté une dépense de 123 millions de francs suisses !
Les résultats de la protection et assistance de la Croix-Rouge suisse, Secours aux Enfants sont tout à fait remarquables. Trop peu a été écrit et dit à ce sujet. C’est le mérite de mon Ami et ancien collègue du CICR, Serge Nessi, de les avoir portés à la connaissance non seulement des historiens, mais aussi du monde de la Croix-Rouge, car il ne doit pas y avoir d’autre Société Nationale qui se soit engagée en telle ampleur pour des secours en dehors de son propre pays pendant les années 1942-1945. Tout cela a demandé une recherche approfondie et sérieuse, qui a amené l’auteur aux Archives fédérales, cantonales, Croix-Rouge et autres.
Mais le livre est surtout un hymne au bénévolat responsable du théologien/médecin genevois Hugo Oltramare et à sa vision hmanitaire. Sans lui il n’y aurait peut-être pas eu la création de Croix-Rouge suisse, Secours aux Enfants ; le médecin genevois fur aussi l’allié de la Croix-Rouge suisse dans la démarche combien importante de poursuivre le secours aux enfants de France si courageusement initié par Genève. Oui, l’Esprit de Genève a accompagné avec succès toute l’action humanitaire décrite dans cet ouvrage!