Agé de 87 ans aujourd’hui, Kohn, si l’on en croit le dictionnaire en ligne Wikipedia, s’affirme encore et toujours comme un lobbyiste acharné de la libéralisation du marché de l’électricité, partisan de la construction de nouvelles centrales nucléaires.
L’accident de Fukushima n’aurait ainsi nullement refroidi les ardeurs pronucléaires de cet ingénieur zurichois qui tient un discours empreint d’un optimisme constant depuis les années cinquante. «Pensez-vous que les centrales nucléaires ne constituent vraiment aucun danger?», lui demande un économiste de la revue «Le Mois», mensuel de feu la Société de Banque Suisse (SBS), dans son édition de février 1974, quelques mois après la première crise du pétrole. Un événement qui arrive à propos, soit dit en passant: beaucoup de pays, à l’image de la France, se dotent alors d’un programme de nucléarisation massive. Réponse de Michael Kohn: «J’ai de la peine à m’imaginer que l’on puisse construire partout dans le monde des centrales nucléaires sans que les autorités et les entreprises électriques n’aient auparavant minutieusement étudié les effets de ces centrales sur l’environnement».
Quelle confiance dans les institutions! Et quelle élégante délégation de responsabilité. Encore plus intéressante est la réplique suite à une question relative à la «panne» du réacteur de Lucens. Un doux euphémisme utilisé par la SBS pour qualifier la fusion partielle du cœur de la centrale, consécutive à un problème de refroidissement. L’accident ayant eu lieu en 1969, on voit qu’en 1974, il est une source de préoccupation. Et le reste en 2012, quarante-trois ans après les faits, comme en témoigne l’avis lancé le 4 avril dernier par l’Office fédéral de la santé publique. Berne procède à des prélèvements quotidiens sur le site désaffecté, après l’avoir placé sous «haute surveillance» (la « Méduse » du 7 avril 2012).
Michael Kohn (en 1974): «L’accident de Lucens a très clairement démontré qu’un incident technique comme celui-ci, un des plus graves que l’on puisse craindre pour un réacteur, peut quand même être maîtrisé. (…) La Commission fédérale de surveillance de la radioactivité n’a pas pu, en dépit de recherches minutieuses, constater une augmentation de la radioactivité dans les environs par rapport à la normale».
On mesure aux avertissements actuels en provenance du Département fédéral de l’intérieur, la confiance aveugle que le pape de l’énergie plaçait dans l’atome. Il est vrai qu’il militait alors, c’était il y a 38 ans, pour la mise en chantier de trois centrales nucléaires en Suisse, Gösgen, Leibstadt et Kaiseraugst. Trois projets dans lesquels Motor-Columbus, la société dirigée par Michael Kohn – en 1974, il préside d’ailleurs déjà le conseil d’administration de la centrale nucléaire de Kaiseraugst -, a joué un rôle de promoteur de premier plan.