Vaste marché unique soumis au diktat du consumérisme, elle a d’abord raté sa mission culturelle. L’écrivain et philosophe suisse abhorrait l’économie en tant que fin en soi.Ensuite parce que le futur du vieux continent, celui qui a son buste à Strasbourg en compagnie des autres pères de l’Europe le voyait régionaliste. « L’Etat-nation disparaîtra de lui-même au terme du processus de régionalisation. Il tombera en désuétude. L’Etat n’a rien d’éternel. Il n’est pas « conforme à la nature des choses », comme le veulent encore trop de chefs… d’Etat », déclarait-il dans une interview parue en 1968.
Autant dire que l’affaire catalane révolterait l’auteur de « L’Amour et l’Occident ». Il prendrait sa plus belle plume et se fendrait d’un article virulent dans « Le Temps ». On le prendrait au sérieux parce qu’il a connu Winston Churchill et Jean Monnet. Le problème est que Rougemont est mort en 1986, laissant un grand vide dans la conscience européenne. Bretagne, Alsace, Ecosse, Bavière, Lombardie, ses protégées, restent orphelines d’un projet de civilisation. D’autres régions n’ont pas ce problème, la Suisse fédéraliste, la Hongrie amputée des deux-tiers de son territoire, donc homogène, qui plus est sans passé colonialiste récent.
Face aux velléités indépendantistes, Bruxelles n’a qu’un mot à la bouche: légalité. Le vote catalan fera-t-il école, le vieux continent connaîtra-t-il d’autres sécessions? Telles semblent être ses seules obsessions. Le référendum catalan n’a pas lieu d’être parce que Madrid ne l’autorise pas. Comme si le Bélier jurassien, en son temps, avait attendu le feu vert de Berne! Par son silence l’UE cautionne la force, l’intervention d’une garde civile de sinistre mémoire. De quoi alimenter le sentiment d’injustice et la violence dans une contrée à ce jour pacifique.