Pour le Conseil fédéral, la décennie 2020 avait commencé dans la tranquillité des banalités d’usage avec le discours convenu de la présidente de la Confédération, toute sage devant une rangée de petits pains, mise en scène des communicants oblige. Or voilà que le gouvernement doit déjà gérer le plus explosif des dossiers après l’assassinat du généralissime iranien, le 3 janvier dernier à Bagdad. Un ordre dont le président américain se vante qu’il l’a donné en personne. Or la diplomatie suisse représente les intérêts américains en Iran. Elle est forcément mobilisée. Reste à savoir si elle est à la hauteur.
Pour l’heure, rien ne transparaît sous la coupole à Berne. Les médias ont tartiné sur la photo officielle des sept «sages». Ces derniers ont renoncé au ridicule en ne se mettant pas en scène à la manière des Beatles traversant un passage clouté en 1969, la fameuse couverture de l’album Abbey Road. Mais depuis, c’est le black-out. Personne ne s’interroge sur le branle-bas que l’affaire iranienne provoque inévitablement au sein des Affaires étrangères dirigées par le ministre Cassis. La situation se corse depuis l’annonce par la chaîne américaine CNN de la venue de M. Trump à Davos, à la fin du mois.
Le président américain rééditera-t-il le coup de 2019? Il avait alors annulé son déplacement au Forum économique en raison de l’arrêt des services gouvernementaux et en avait rejeté la faute sur les démocrates, trop contents de lui mettre des bâtons dans les roues. Cette fois, l’empêcheur de tourner en rond pourrait être le ministre des Affaires étrangères iranien en personne. Egalement invité à Davos, Javad Zarif a assuré les organisateurs de sa présence, selon le quotidien «Luzerner Zeitung». Le problème est que M. Zarif ne s’est pas tu après la mort de celui que beaucoup de monde considérait comme le numéro deux du régime iranien. Pour M. Zarif, M. Trump a commis un crime de guerre, aidé en cela par son «clown» , l’ancien chef de la CIA Mike Pompeo. Difficile, dans ces conditions, d’envisager Mme Sommaruga tenir la chandelle à deux ennemis irréconciliables.
Pour assurer la sécurité à Davos, la Suisse engage à grands frais son armée et sa police. Elle applique le principe de la privatisation des bénéfices – le forum fait gagner énormément d’argent à ses organisateurs, une fondation aux contours économiques et politiques nébuleux – et de la socialisation des coûts. Ce faisant Davos ne jouit pas de véritable légitimité politique, le contribuable passe à la caisse pour financer un événement dont on ignore les tenants et les aboutissants. Face à la crise iranienne, le Conseil fédéral se trouve pris une fois de plus dans l’étau de l’ambiguïté. Pour le desserrer, il conviendrait à tout le moins qu’il instaure une meilleure transparence.