Si ce n’est pas le cas, intégrez-le dans votre répertoire. Underdog signifie qu’un sondage d’opinion s’est planté, ou plutôt qu’il a eu l’effet contraire à celui anticipé.
Underdog est la grande consécration de 2016, terme plus adapté que celui de révélation dans la mesure où les sondages d’opinion font jaser depuis l’époque où ils furent inventés. Nul ne sait si les jansénistes les utilisèrent pour convaincre Blaise Pascal, toujours est-il que la loi des probabilités aurait connu un premier âge d’or au 17e siècle avant de rebondir aux Etats-Unis dans les années 1930. Une trouvaille commerciale au pays du marketing, un test pour connaître les goûts et les habitudes du saint-consommateur. Les premiers résultats furent à la hauteur des espérances puisque les maisons de sondage prospérèrent jusqu’à devenir des acteurs incontournables de la vie économique.
Le monde changea le jour où les sondages investirent le champ politique. Les critiques commencèrent à se faire jour car il n’est pas anodin de prédire la victoire ou la défaite de tel ou tel candidat. Battu par Truman en 1948, le «favori » Dewey dut en concevoir quelque amertume: il ne tarda pas à quitter la politique. Défait contre toute attente par Edward Heath en 1970, Harold Wilson connut un destin plus conforme à ses ambitions: il revint au pouvoir quelques années plus tard. Mais d’une manière générale, les sondages tinrent bon dans les décennies qui suivirent et l’on prit l’habitude de s’y référer au point que des politologues songèrent à les investir officiellement du rôle d’arbitre de la démocratie. Est-il encore nécessaire de procéder à des élections?
L’arrivée inopinée de Jean-Marie Le Pen au second tour lors de la présidentielle de 2002 relança une critique sans commune mesure avec l’annus horribilis 2016 et ses événements Brexit, Trump et Fillon. Auxquels il convient d’ajouter la votation sur le nucléaire en Suisse. Underdog exercerait-il un effet d’entraînement en stimulant les électeurs à se mobiliser pour une personne ou un objet qui semble condamné à ne pas rallier la majorité? L’Association suisse des banquiers était toute fière d’annoncer en 2015 les résultats d’un sondage montrant que ses membres ont retrouvé la confiance de la population suisse. Elle ferait bien de se méfier.