Mohamed Sahnoun n’est plus. L’ancien Ambassadeur d’Algérie à Bonn, à Washington, à New York (ONU), à Paris et à Rabat nous a quittés le 19 septembre à l’âge de 86 ans, après une longue maladie. Prisonnier politique pendant la guerre d’Algérie en 1957, il relate dans son ouvrage « Mémoire blessée » les souffrances inouïs des détenus, surtout à cause de la torture.
J’ai eu le plaisir de pouvoir préfacer ce livre passionnant certes, mais aussi bouleversant pour la souffrance indescriptible et gratuite infligée par des hommes à leurs semblables. Son ouvrage décrit aussi le soutien d’hommes et femmes de diverses origines (civils, religieux, militaires) qui, au péril de leur vie, donnent une belle solidarité à ceux desquels ils attendent la libération.
Sorti de prison Mohamed Sahnoun, aidé par un prêtre catholique, passe dans des lieux divers en France, toujours en danger d’ultérieure arrestation et finit par franchir la frontière de la Suisse, où Charles-Henri Favrod le met en contact avec les nouveaux dirigeants algériens à Evian.
Il est rapidement délégué à l’Organisation de l’Unité Africaine et par la suite Secrétaire général adjoint de la Ligue Arabe, avant d’entamer sa carrière diplomatique proprement dite. A New York il a des contacts avec le Secrétaire général de l’ONU Boutros Boutros Ghali, qui le nomme en 1992 Envoyé spécial pour la Somalie. C’est là où il émet des sérieuses critiques sur l’action de l’ONU et découvre l’importante action humanitaire du CICR. Ce sont mes premiers contacts avec lui.
Il devient par la suite un des Conseillers internationaux du CICR, avant d’être désigné par le Gouvernement canadien Co-président (avec Gareth Evans) de la Commission internationale sur l’intervention et la souveraineté des Etats, où j’ai profité, comme membre, de son habilité à trouver des compromis et également de ses contributions substantielles à notre Rapport sur la Responsabilité de protéger, que nous avons remis à Kofi Annan le 20 décembre 2001.
Mohamed Sahnoun avait été membre de la Commission mondiale sur l’environnement et le développement (Commission Bruntland) ce qui a amené le Secrétaire général Kofi Annan à le prendre comme son Conseiller spécial pour l ‘Afrique en lui donnant divers mandats comme celui de médiateur dans le conflit Ethiopie/Eritrée et d’Envoyé spécial pour les Grand Lacs Africains. Une grande et sincère amitié s’était développée entre ces deux personnalités, qui se sont éteintes à un mois de distance.
Mohamed Sahnoun a été dans les derniers 20 ans très actif à Caux dans l’Organisation Initiatives et Changement (qui a succédé au Réarment moral), où il a fondé le Forum pour la sécurité humaine, qui a attiré à Caux diplomates, fonctionnaires internationaux, universitaires et politiciens. Son action dans ce domaine lui a porté beaucoup de reconnaissance de personnalités du monde entier. J’étais à l’époque Président de Initiatives et Changement international; après la fin de mon deuxième mandat Mohamed Sahnoun prit ma succession pour trois ans.
Mohamed Sahnoun laisse le souvenir d’un grand homme, humble serviteur de la famille humaine avec ses qualités de diplomate et médiateur au service de la paix. Il avait la capacité de savoir rassembler des personnes d’origine et avis bien divers, notamment dans les relations Nord-Sud. Homme de grande sagesse : il y en avait pas beaucoup comme lui.
Sa mémoire va rester auprès de tous ceux qui ont eu l’occasion de l’approcher, comme source d’inspiration et d’encouragement.