Pour expliquer l’avènement de Donald Trump, les commentateurs n’ont qu’une seule expression à la bouche: réaction anti-élites. En gros, Mme Clinton a fait les frais d’une révolte des déshérités du système. Pourtant à y regarder de plus près, l’establishment financier a aussi réglé son compte à Marie-Antoinette.
Qui se cache véritablement derrière ces fameuses «élites»? Celles et ceux qui tirent les ficelles du pouvoir, un magma d’individus et d’intérêts admirablement servis par des relais complaisants? Le rédacteur en chef d’un quotidien romand le reconnaissait récemment, même s’il aurait dû d’abord parler pour lui-même: complices des élites, les médias ont péché par leur aveuglement. Dans son infinie sagesse, le peuple leur a rabattu le caquet.
Un journal dominical va plus loin avec cet éclair de lucidité: la presse américaine a perdu 20.000 journalistes au cours de la dernière décennie. Tous ces professionnels représentent autant de savoir-faire disparu, plumes qui ne contribuent plus à alimenter un climat de saine analyse et critique. Le déferlement d’invectives et d’agressivité gratuite qui a caractérisé la campagne électorale américaine n’a pas trouvé de frein dans les médias. Comme le camp pro-Brexit au Royaume-Uni, Trump doit autant son triomphe aux dérives de l’information qu’à l’antipathie que nourrissent les populations à l’égard des élites, notion floue et relative.
Il ne viendrait ainsi à l’idée de personne de prétendre que les dirigeants des grandes multinationales de la finance, celles qui régissent nos comportements de consommateurs, n’appartiennent pas à l’élite. Et pourtant ce sont ces mêmes groupes bancaires qui ont applaudi la victoire de Donald Trump, s’il faut en croire la réaction de Wall Street. Au lendemain de l’élection, les titres des deux grandes banques suisses ont littéralement flambé. Et que dire du multimilliardaire Trump? L’homme qui achète les gratte-ciel de New-York, un ploutocrate dont l’héritière est la meilleure amie de la fille des… Clinton. Comment ne ferait-il pas partie de l’ «élite»?