L’écroulement du bloc soviétique et le processus de reconstruction qui s’en est suivi sont aussi à la base du projet que le Genevois Alain Clerc soumet à la réflexion du Département des affaires étrangères, à savoir un plan d’aide au développement de la démocratie dans le monde arabe. Clerc s’appuie sur sa propre expérience. Il fut l’une des chevilles ouvrières helvétiques du processus dit d’Helsinki qui avait abouti, en 1975, à la signature, dans le cadre de la Conférence pour la coopération et la sécurité en Europe (CSCE), d’un accord visant à réduire les tensions issues de la guerre froide – pour certains historiens, la CSCE a aussi contribué à la chute du mur de Berlin.
Dans une lettre adressée au secrétaire d’Etat Peter Maurer, Alain Clerc se déclare persuadé que la Suisse peut tirer profit de cette démarche, «même si la situation du monde arabe n’est pas identique à celle des pays de l’Est au début des années 70».
Le printemps s’essouffle
Une bonne idée, celle d’Alain Clerc? «Elle est excellente», répond sans hésiter le politologue arabe Hasni Abidi. «Le printemps arabe risque de s’essouffler, c’est le moment ou jamais. L’Occident doit vaincre ses hésitations. J’en ai parlé à des collègues dans les pays arabes, grâce à son expertise internationale et au capital de sympathie dont elle dispose, la Suisse a une très bonne carte de visite à jouer. Pour elle, c’est aussi l’occasion de montrer qu’elle n’est pas seulement un havre pour les fortunes arabes», poursuit le directeur du Centre d’études et de recherche sur le monde arabe et méditerranéen. Mais à quoi ressemblerait concrètement la démarche helvétique? M. Abidi la voit en trois étapes. La première serait de réunir à la même table les représentants de la société civile. La deuxième serait d’engager un débat tripartite entre les forces de la transition, l’opposition et des institutions internationales telles que le FMI, la Banque mondiale, la Banque européenne d’investissements et la Ligue arabe. La troisième aboutirait à une autre proposition d’Alain Clerc, la création à Genève d’un secrétariat permanent, une institution légère, sorte de «hotline» destinée à réduire les risques de dérapage dans la transition démocratique.
Genève ou Tunis?
Reste à convaincre Berne et les milieux politiques. Membre de la commission de politique extérieure au parlement fédéral, Carlo Sommaruga trouve la proposition «intéressante» mais pencherait plutôt pour une solution passant par la «Fondation for the future», présidée par… son père, Cornelio Sommaruga. «Cet instrument de promotion de la démocratie et du respect des droits de l’homme a été mis en place certes par les Etats-Unis (ndlr: il est proche des rencontres de Caux, l’ancien Réarmement moral) mais il regroupe des personnalités de diverses origines», relève le conseiller national. Lequel estime que le siège ne doit pas être forcément à Genève: «Si c’est Tunis, première capitale du renouveau démocratique arabe, ce serait tout aussi bien et symbolique.»
De son côté, le secrétaire d’Etat Peter Maurer, que nous avons interpellé en vue d’obtenir une interview, fait répondre par son secrétariat qu’il ne peut pas donner suite à notre demande. Le DFAE n’affiche pas son insensibilité quant à l’ouverture d’un dialogue mais préfère concentrer ses efforts sur la Maison de la paix regroupant à Genève le Centre pour le contrôle démocratique des forces armées, le Centre de politique de sécurité et le Centre international de déminage humanitaire («La Liberté» du 15 avril 2011). Un ensemble pour le soutien duquel le parlement a approuvé l’an dernier un crédit-cadre (2012-2015) de 120 millions de francs, rien que cela.