L’altermondialisme, c’est ce mouvement né au tournant du millénaire avec la contestation des grands rendez-vous économiques mondiaux tels que l’OMC, le FMI et les différents « G ». Pendant une décennie, il a mobilisé toutes les énergies combattant les excès du libéralisme. Des citoyens critiques trouvaient une tribune médiatique dans les forums sociaux, notamment à Porto Alegre. La presse relayait cet événement organisé au même moment à Davos. Mais elle s’attardait le plus souvent sur les aspects folkloriques ou alors les débordements parfois violents qui survenaient en marge des manifestations, influençant négativement le lecteur ou le spectateur lambda. Une ambiguïté qui s’apparente peu ou prou à l’approche initiale des professionnels de l’information face aux Gilets jaunes en France. Accusés de partialité, les journalistes ont dû faire leur mea culpa. La couverture médiatique fait depuis l’objet d’un abondant débat.
Opposés au rouleau compresseur de la communication davosienne, les forums sociaux étaient abordés superficiellement. Pourtant ils anticipaient les grands problèmes de la décennie qui allait suivre. Le krach mondial de 2008, les changements climatiques. Comment expliquer cette inégalité de traitement? J’ai suivi plusieurs forums sociaux. Voici ce que j’écrivais en 2002 dans « La Liberté » à propos du Forum social européen organisé à Florence. « Face aux tentatives de récupération, un grand nombre de participants ont souhaité que leur ‘révolution’ se fasse en dehors des circuits politiciens classiques. Pour eux, l’avenir du monde passe par des enjeux autrement plus sérieux. Le maintien de la communauté villageoise ou celui de la paysannerie, par exemple. Ou encore le transport dans les villes et l’architecture urbaine. Sans parler de notre problème à tous: l’eau sur laquelle pèsent de terribles menaces dont la privatisation n’est pas la moindre. »
Fléau environnemental, le tourisme de masse était dénoncé par les altermondialistes. L’addiction à la télévision, les OGM, la dette du tiers monde, phénomène annonciateur des grandes migrations, l’évolution de la Russie. A Florence puis au forum social mondial de Mumbai, deux ans plus tard, ces thèmes faisaient l’objet d’analyses poussées. Jerry Mander, Teddy Goldsmith et autres Vandana Shiva, autant de sociologues, économistes ou scientifiques aux accents prophétiques prêchaient dans le désert médiatique. “De doux utopistes, que voulez-vous! Les changements climatiques? Mais, chère Madame, cher Monsieur, tout cela n’est qu’une invention de doctrinaires du désespoir! Lisez ce qu’ils écrivent dans les journaux! Revenez en 2020, nous en reparlerons!”
2020, nous y voilà très bientôt! De sorte que les marches climatiques braquent des projecteurs très peu avantageux sur une clique d’irresponsables aujourd’hui hors circuit. Des dirigeants, des lobbyistes de grands groupes industriels, des politiciens qui se prélassent à l’abri de la justice et du besoin grâce à leurs parachutes dorés après avoir bien embobiné leur monde. Leurs successeurs paient les pots cassés. Devant l’urgence environnementale qui fait fondre la glace des résistances, les foules se rebellent. En 1999, les émeutes de Seattle lançaient une première vague de contestation contre le livre blanc de l’establishment libéral. L’altermondialisme faisait ses débuts avant de s’essouffler sous les coups de boutoir des artisans de la désinformation. En 2019, l’action des toutes jeunes générations le relance d’une certaine manière. Puisse-t-elle éviter l’écueil de la récupération politique et aboutir à quelque chose de concret.