Les acupuncteurs ne passeront plus pour des charlatans. L’honneur de la Santé avec un grand S est sauf. Mais qu’en est-il du Progrès avec un grand P?
Comment reconnaître, en effet, ce qui contribue au bien de l’humanité plutôt qu’à l’aisance des apprentis-sorciers de la fiole? Parmi lesquels nous serions tentés de ranger d’abord les bénéficiaires des milliards de l’Etat, ces docteurs Folamour vissés à leur microscope pour dépister les mystères de l’origine du monde. Pas le tableau de Courbet mais les modèles biologiques qui permettent d’espérer une espérance de vie de 150, voire 200 ans. Dans le domaine du probable, assurent nos Dr Knock. Peu avant sa disparition, un quotidien romand ne consacrait-il pas plusieurs pages à la cryogénisation, l’espoir d’accéder à l’éternité? Sans dire un mot de la misère morale liée souvent à la sénescence.
Vaste débat qui occupe les politiciens depuis les Lumières. Dans son édition de septembre, « La Décroissance » n’y va pas par quatre chemins: « Arrêtons le Progrès!», titre ce mensuel édité en France, qui, faisant de la joie de vivre son fonds de commerce, laisse la place au rire, une qualité que l’on aimerait bien retrouver chez ses pendants helvétiques, soit dit en passant. A propos, savez-vous qu’un nouveau journal a été créé à Vevey autour des mêmes préoccupations? Il s’appelle « Da ». Comme Décroissance-Alternatives, le mouvement politique de la ville de la Riviera, mais aussi le « oui »russe, ce qui pourrait être de l’humour, dans le fond.
Blague à part, qu’est-ce que le Progrès? Car si une chose est d’investir dans la transplantation hypothétique, éthiquement parlant, des têtes et de l’âme, une autre est de constater que les greffes d’organe ont fait du chemin, en dépit du commerce sordide qui s’y… greffe – traquée pour ses donneurs de rein, la secte du Falun Gong en sait quelque chose! Et que dire du développement prodigieux de la chirurgie des os, ces prothèses qui améliorent le confort des invalides? Tout cela pour ne rester que dans le domaine de la médecine.
Dans d’autres secteurs, les décroissants diabolisent le numérique musicophage ou la fracturation porteuse de désastres environnementaux, si elle est bâclée. Ils ont raison. Reste que le débat frustre par ses lacunes politiques. La légitimité du progrès, qu’il soit avec un petit ou un grand p, exige une réflexion dépassant les querelles de clocher. Sa dimension est encyclique, elle relève du contrat social, non du vaudeville.