Une méga-décharge là-bas, une méga-gravière ici. Le tout dans un parc d’importance nationale! Aux Fenils, au-dessus de Rougemont, la population s’était soulevée avec succès contre le projet d’un promoteur de Gstaad soutenu par son canton et le Conseil d’Etat vaudois. La mobilisation sera-t-elle aussi efficace à Lessoc, face aux desseins du constructeur vaudois Orllati?
Lessoc est un ravissant village situé à l’écart de la route cantonale qui traverse la vallée de l’Intyamon, entre Bulle et Montbovon. Une région déjà balafrée. A Grandvillard, non loin de là, une gravière défigure le coteau. Lessoc est une destination très prisée des promeneurs amateurs de pittoresque. Sur le chemin qui y mène depuis Montbovon, se trouve la chapelle du Buth, vénérée des pèlerins, et le pont couvert en chêne sur la Sarine, datant de 1667. C’est à deux pas de là que l’entreprise Orllati, plutôt avare en informations, projetterait d’exploiter 6 millions de mètres cubes de gravier millénaire avant d’y installer une décharge dans le trou béant.
La presse locale commence enfin à s’émouvoir de cette énième menace pesant sur le patrimoine naturel de la Gruyère, alors que les promoteurs du tourisme, ironie du sort, vantent les vacances au pays en cette période de post-confinement. C’est qu’une société de villageois a lancé une pétition contre l’idée de la gravière. Elle ne veut pas attendre la mise à l’enquête, redoutant une procédure pipée, compte tenu des intérêts en jeu. Géant de l’immobilier, Orllati cumule les chantiers dans la région lémanique. L’entreprise prospecte donc des matériaux dans tous les recoins, tout en cherchant à caser les tonnes de déchets chassés par ses pelleteuses.
« Quand on est heureux quelques heures suffisent à créer l’éternité ». S’ils ressuscitaient, que diraient Miette et le Régent, héros du roman « Montbovon », écrit par votre serviteur, publié en 2015 aux Editions de l’Aire? Entre Montbovon et Lessoc, les amants étaient partis à bicyclette en longeant la rivière, accompagnés du chant des grillons.
De quelle éternité se pare le « bonheur » d’excaver la terre fertile du Paradis?